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Les biais psychologiques en management

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Errare humanum est

Le droit à l’erreur est un sujet récurrent, et nombre d’entreprises l’évoquent régulièrement voulant développer le « sentiment de droit à l’erreur » , synonyme d’encouragement de l’initiative, de la prise de risques, voire de l’innovation. Il apparaît souvent qu’il est sujet à controverses, et parfois objet de discussions complexes ou futiles.

Alors même que le droit à l’erreur devrait être gouverné par le bon sens, il serait plus pertinent d’encourager et « former » les managers (voire leurs collaborateurs), à ne pas en faire.

Nous avons analysé les principales causes et sources d’erreurs courantes dans le management et les équipes. La source la moins fréquente, paradoxalement, tient à la « connaissance du métier » ou « aux connaissances techniques » nécessaires à la tenue d’un poste. Ceci s’explique notamment par l’apport en formation sur les aspects opérationnels des postes.

Les sources les plus fréquentes d’erreurs, pour les managers, se répartissent en quatre domaines :

1. Management des équipes et des personnes

2. Prise de décision / position

3. Relation avec les pairs et la hiérarchie

4. Management de soi

Il serait probablement plus judicieux de « Favoriser la perspicacité»* que d’insister sur « le droit à l’erreur » … et de rappeler ce qui suit :

1. Management des équipes et des personnes :

• Organisation de la « paresse » sociale . Dans la distribution des rôles, des missions et des tâches d’une équipe, on omet de prendre en compte le phénomène de « paresse sociale » par lequel dès que la constitution d’un groupe se fait sans moyen de reconnaître et valoriser les efforts individuels, ceux-ci baissent dans une proportion de l’ordre de 50%. C’est observé pour les tâches cognitives autant que pour les tâches mécaniques.

• Ignorance de la loi de la régression vers la moyenne : Cette loi statistique s’observe dans les évolutions de distribution des scores de performance notamment, et amène à de fausses conclusions concernant l’analyse de performance sur une période donnée. Des « effets » sont attribués à des dispositifs alors qu’ils n’ont aucune influence réelle.

• Biais de sympathie / antipathie par lequel plus de considération et plus de confiance sont accordées aux personnes trouvées sympathiques, et cela indépendamment de leurs mérites objectifs.

• Illusion de contrôle : Le niveau de contrôle des situations et le niveau d’influence sur le cours des choses sont régulièrement surévalués. Cela vient renforcer l’excès de confiance par lequel on se sent à l’abri des erreurs de jugement ou d’analyse.

• Contextualisation négative : La masse d’informations négatives qui nous parviennent des médias et de leurs relais nous conditionne. Il est observé en milieu expérimental que la contextualisation négative génère des baisses d’énergie de plus de 50%, et provoque des dysfonctionnements majeurs, notamment par perte d’enthousiasme dans la recherche de solutions.

• Ignorance de la dissonance cognitive : Dans les situations conflictuelles, tendues, difficiles, elle se manifeste par la remise en cause ou la minimisation des valeurs et principes pour rendre plus « acceptables » ou pour justifier des comportements décalés. La rationalisation la plus fréquemment évoquée est au nom de l’urgence ou de l’absence de choix.

• Le biais de disponibilité : La représentation du monde, des situations, des enjeux est conditionnée par les exemples qui viennent le plus facilement à l’esprit (ou qui sont le plus souvent cités), et cela par analogie plus que par véritable similitude. Cela induit des raisonnements faux générateurs de dysfonctionnements et erreurs de jugement. (par exemple, un râleur est souvent de mauvaise foi)

• Le savoir du chauffeur et le cercle de compétence (savoir que l’on ne sait pas) : La différence entre un expert / spécialiste et une personne atteinte du « savoir du chauffeur » (par référence au chauffeur de Max PLANT qui l’avait remplacé pour un speech que devait donner le Prix Nobel), est que le second « ne sait pas ce qu’il ne sait pas » , d’une part et d’autre part, est tout à fait capable de tenir le discours sur un sujet, mais n’en maîtrise pas le sens.

2. Prise de décision / position

• Préférence pour l’action : Dans les situations d’urgence, la plupart des personnes privilégient l’action sur la réflexion, et « foncent » au nom de l’urgence. C’est le premier facteur de non-qualité et d’erreurs dans la prise de décision.

• Persévération (coûts irrécupérables) : Lorsque l’on est engagé sur une voie, et en particulier lorsque l’on a déjà beaucoup investi, on a tendance à «s’entêter » et refuser de « lâcher prise » . Ainsi l’on continue d’investir (en temps, argent, énergie, autres ressources), sans avoir fixé de limites.

• Biais de confirmation (non-infirmation des hypothèses) : Les hypothèses sont le plus souvent émises selon un processus inconscient ; la plupart des gens sont en recherche de confirmation de leurs hypothèses (ou croyances / opinions), et non pas de leur « vérification » . Par exemple on attribue une ou des causes erronées au « petit absentéisme » , mais aussi a des baisses de performance.

• Illusion de causalité (versus corrélations) : Il existe de fréquents exemples de l’amalgame entre causalité et corrélation. Ce n’est pas parce que deux ou plusieurs évènements sont concomitants qu’il existe une causalité entre eux. Prendre un parapluie avec soi n’a aucune influence sur la météo, quoiqu’en pensent ceux qui constatent que chaque fois qu’ils en prennent un, il ne pleut pas. De la même façon, on observe que la courbe de natalité en Alsace est totalement corrélée à celle de la raréfaction des cigognes, ce qui ne démontre pas que ce sont elles qui apportent les enfants.

• Biais d’ancrage (inférence chiffres précédents) : Il est constamment observé en milieu expérimental que nos évaluations sont influencées, de façon inconsciente, par le contexte qui les précède. Ainsi, si l’on a été confronté à des grands ou petits chiffres avant de faire une évaluation, elle est plus grande ou plus petite sans même que l’on s’en rende compte. Il a par ailleurs été démontré que, par exemple, les enseignants sont systématiquement influencés dans leur notation d’un élève par ses notes précédentes. Les bons élèves et les mauvais élèves ont des notes plutôt constantes, et cela indépendamment de la valeur des copies qu’ils remettent, ce que l’on constate lorsque les évaluations sont faites sur des copies anonymes. Il en va de même dans les évaluations des collaborateurs.

3. Relation avec les pairs et la hiérarchie

• Biais d’omission (ne pas agir, ne pas prévenir…) : Il est encouragé implicitement du simple fait que l’on risque moins à ne rien dire qu’à s’exprimer ou se positionner dans une situation. Laisser quelqu’un faire une erreur n’est pas sanctionné.

• Aller à Abylène ou la pensée de groupe : Dans la lignée du précédent biais, la pression de groupe s’exerce régulièrement sur tous ses membres qui, face à une proposition, suggestion, orientation, n’expriment pas leur « désaccord » , et donc aboutissent sur l’acceptation par consensus « mou » d’une idée qu’aucun ne défendrait sérieusement.

• Pression normative : La pression normative fait que l’on situe des personnes, des performances, mais aussi des idées et concepts, par rapport à la moyenne ou un benchmark. La tyrannie de la norme relayée par des indicateurs non scientifiques est une des plus grandes sources d’erreurs de jugement et de décisions.

• Biais d’autorité : Démontré par S MILGRAM, il fait se soumettre à l’autorité alors même qu’elle est fictive, imaginée ou, bien que fondée sur un statut ou un rang, elle commande des actions non éthiques. Le recours au biais d’autorité est un des jeux préférés des « petits-chefs » , mais aussi des personnes qui s’y soumettent avec empressement.

4. Management de soi

• Biais d’auto-complaisance / Biais d’auto flagellation : A l’opposé l’un de l’autre ils concernent toutes les personnes qui s’accordent trop de mérite dans le succès et expliquent leurs échecs par la faute des autres ou des circonstances, ou bien à l’inverse, celles qui mettent au crédit de la chance leurs réussites et se blâment entièrement pour les échecs. Ils naissent du locus interne ou externe.

• Méconnaissance / négligence des probabilités : ce qui est statistiquement le plus probable est rarement intuitivement apprécié comme tel. Si l’on demande à un groupe de personnes quelles sont les causes les plus probables de mortalité d’un enfant, l’asthme n’est quasiment jamais cité, la noyade l’est souvent, ce qui est totalement erroné. Cela vient sérieusement contrarier la valeur des décisions intuitives que nombre de managers doivent prendre au quotidien, dans l’évaluation de l’évolution de situations ou de risques.

• Excès de confiance en connaissances hors cercle de compétence : Une vaste majorité de personnes ont tendance à développer un excès de confiance dans leurs capacités, y compris en dehors de leur cercle de compétences / connaissances.

• Biais des « résultats » versus « processus » : Il existe une forte tendance à se fonder sur les résultats d’une personne ou d’un groupe pour évaluer ses chances de réussite future, au lieu de se fonder sur l’analyse des processus mis en œuvre ayant conduit à la réussite. C’est ainsi que des personnes qui ont de nombreuses réussites à leur actif se retrouvent à prendre de mauvaises décisions, parfois catastrophiques.

• Le piège de la pensée intuitive par opposition à la pensée consciente : La pensée intuitive repose sur des impressions, fondées ou pas, jamais vérifiées, alors que la pensée consciente repose sur l’analyse de faits objectifs. Dans un monde « rapide » dans lequel l’information circule à toute vitesse en flux constants, on perd de vue les signaux faibles, des faits peu « repris » et « divulgués » , et l’on est influencé par les signaux forts. C’est toute la technique des illusionnistes qui éloignent l’attention de ce qui constitue « le truc » ou la « manipulation » , et fait qu’on ne voit rien de ce qui se passe réellement.

• La fatigue : Beaucoup de personnes sous-estiment leur besoin de repos et de régénération de leur énergie. Il est observé expérimentalement que la fatigue est mauvaise conseillère lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, et extrêmement pénalisante de la productivité intellectuelle.

Se constituer un référentiel des sources d’erreurs les plus fréquentes est un excellent moyen de les éliminer…

Très cordialement vôtre,

Gdc

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Gérard-Dominique Carton- La lettre du GCCG © « Les biais psychologiques en management »