Publié dans La Lettre du GCCG - Stratégies managériales
Quels grands principes guident vos décisions dans votre vie professionnelle ?
Sur le plan de la stratégie, un maître mot s’impose « Anticiper ». Comme l’a dit, je crois, Leonard de Vinci, « que celui qui n’anticipe pas se prépare à gémir » .
L’anticipation est la clé essentielle pour organiser mes décisions. Je décide dans le présent pour le futur.
Mon métier de Conseil requiert une exigence envers soi aussi grande et souvent plus grande que l’exigence légitime de nos clients envers nous.
Je crois en outre que l’on ne décide « bien » qu’avec une implication totale dans les problématiques de nos clients. Nous vivons la situation avec eux, leurs problèmes deviennent nos problèmes, et à partir de là, les solutions que l’on propose ont les meilleures chances d’être « leurs » solutions idéales.
Les grands guides de mes décisions sont aussi l’éthique, les considérations humaines, le courage au quotidien.
Par exemple, je ne prends pas de dossiers qui n’ont, dans mon estimation, aucune chance d’aboutir, mais même si les chances sont « minces » , je prends et me bats jusqu’au bout.
Notre réputation est fondée sur notre capacité à prendre et traiter des affaires complexes, difficiles, et à les mener à bon terme.
• Quelles qualités / compétences sont selon vous essentielles pour une dirigeante ?
Les mêmes que pour un dirigeant, souplesse, adaptabilité et sens managérial.
La souplesse permet de comprendre les situations en ce qu’elles ont de particulier. Je ne crois pas dans les recettes et encore moins dans les panacées.
L’adaptabilité permet de les gérer avec intelligence.
Le sens managérial est ce qui permet de mobiliser les équipes, de les faire se dépasser dans l’accompagnement des problématiques clients, pour trouver et mettre en œuvre les meilleures stratégies.
Au demeurant, cela présuppose de la créativité dans la recherche et la conception des solutions et stratégies.
• Quelles qualités attendez-vous de vos collaborateurs directs ?
Trois qualités fondamentales :
En premier, la capacité d’implication. Nous ne traitons pas simplement des « dossiers » ou des « affaires » . On fait appel à nous dans des situations difficiles, complexes, multidimensionnelles (enjeux économiques, juridiques, humains, stratégiques…). Nos collaborateurs doivent être capables de se mobiliser totalement sur les solutions.
En second lieu, l’empathie. Notre capacité à ressentir les situations, les enjeux pour nos clients, les anxiétés, les enthousiasmes…
En troisième lieu, le sens relationnel. Les relations influent directement sur la qualité de la communication. Pauvres relations = Pauvre communication.
• Quels défauts vous inquiètent / interpellent ?
Le défaut qui m’interpelle le plus est l’individualisme ; le monde au centre duquel les individualistes se placent en permanence est un petit monde étriqué à l’horizon court. Notre métier nécessite une ouverture d’esprit, et la capacité à travailler en équipe avec le souci permanent des résultats pour nos clients.
• Comment gérez-vous votre « stress » dans l’exercice du management ?
Je suis passionnée par ce que je fais. Je suis peu « stressée » parce que j’aime être confrontée aux situations complexes et difficiles ; cela me motive et me donne de l’énergie. Je travaille souvent sous la pression du temps et des événements, mais je n’appelle pas cela du « stress » . Le stress est souvent d’après moi une matérialisation de « peurs » , comme la peur d’échouer. J’ai confiance en moi, mon éthique, et ma combativité. Je m’efforce aussi de « déconnecter » des « soucis » pendant les week-ends ; j’ai appris à savoir me reposer, et bien sûr je fais du sport régulièrement. Cela entretient la forme physique et psychique indispensable pour pouvoir correctement réfléchir, traiter les priorités, et se concentrer.
• Comment gérez-vous celui de vos collaborateurs ?
Je pense que c’est là un de mes points faibles. J’ai du mal à gérer le stress de mes collaborateurs. Notre métier est un métier violent. Le Lobbying est une activité très exigeante, on est très souvent confronté à de l’agressivité et de l’hostilité en plus de la complexité.
J’encourage mes collaborateurs à avoir confiance en eux, à assumer, à s’entraider…
J’observe que ceux qui réussissent sont ceux capables de se motiver dans l’adversité et ainsi de réduire le stress. Ceux que la moindre difficulté décourage ou démobilise ont beaucoup de mal dans notre métier.
• Quels sont selon vous les critères révélant une bonne équipe de Direction ?
La complémentarité des membres de l’équipe, leur capacité à en faire un atout et de partager une vision commune avec des perspectives différentes.
Une bonne équipe de direction reste solidaire dans la difficulté.
• Qu’est-ce qui a le plus évolué, selon vous, dans le rôle des dirigeants ces dix dernières années ?
Ils ont dû s’adapter aux évolutions sociétales et technologiques. Le rapport aux autres a changé. Ils sont en ligne de mire permanente, et doivent prendre en compte l’influence (et parfois le chaos) des réseaux sociaux.
• Quel conseil donneriez-vous à un jeune dirigeant ?
J’ai été une jeune dirigeante de 23 ans. Cela fut fait par mon mentor et mon maitre, mon grand-père, qui fut un grand industriel mais aussi un grand guerrier !!!! et qui m'a toujours conseillé de m'armer de courage, et me battre jusqu’au bout comme une lionne ! (sic !) , soit « armez-vous » , parce que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Il faut mentalement se préparer, pour diriger, à déplaire autant et parfois plus qu’à plaire, à devoir se battre pour que ses idées, ses convictions, avancent, à assumer totalement.
Il faut aussi savoir rester soi tout en « grandissant » .
• Qu’avez-vous appris au cours de votre carrière qui vous sert quotidiennement ?
J’ai appris que la vie est un combat permanent, que rien n’est jamais sûr ni acquis.
Dans mon métier, mais aussi dans beaucoup d’autres, il faut combattre l’adversité en permanence, être déterminé à aller jusqu’au bout et y aller, sans faiblir.
On est loin des considérations lénifiantes, gentillettes.
J’ai appris à tenir mes engagements, et donc à m’engager de façon responsable.
J’ai appris à tenir ma parole et à mesurer mes propos.
J’ai appris à développer ma résilience, à assumer, à analyser les situations et les événements avec des perspectives différentes.
J’ai appris aussi à « anticiper en 360° », c’est-à-dire d’anticiper sur ce qui pourrait aller bien autant que ce qui pourrait aller mal.
J’ai appris à écouter mes intuitions… et parfois, je me trompe, et alors j’apprends un peu plus.
• Quels stéréotypes en management vous agacent /combattez-vous ?
On parle beaucoup de bienveillance, de bien-être, mais aussi de « stress » …
Cela entretient une ambiance générale dans laquelle l’exigence nécessaire à l’accomplissement se délite. Si travailler, devoir faire des efforts, avoir à combattre l’adversité est « inhumain » ou « anachronique » , et que l’on doit « doser ses efforts » et « être dans une ambiance fortement détendue et totalement conviviale » , alors je crois qu’il vaut mieux s’orienter vers un club qu’une entreprise.
Je ne crois pas aux vertus de la « bienveillance » qui ferait passer sous silence des erreurs, des fautes ; je crois que la bienveillance est précisément la capacité à dire les choses qui ne vont pas à ceux que l’on estime, et que de ne pas le faire est de l’hypocrisie. On le fait avec tact, mais on le fait.
Les stéréotypes sur le bien-être m’agacent aussi un peu. L’entreprise n’est pas un lieu de villégiature. Bien sûr qu’il est important de se sentir bien, dans ce que l’on fait et ce que l’on a à faire, mais on peut se sentir bien en ayant des tâches ou missions difficiles et complexes, ou des combats à mener.
L’amalgame en « bien-être » et « pénard » , pardonnez mon langage, est désolant.
• Quels mots / pensées associez-vous aux mots suivants :
• Avez-vous une anecdote à partager ?
Une de mes collaboratrices a dû nous quitter il y a quelques années pour reprendre une affaire familiale en relative difficulté. Après quelques années elle a été atteinte d’une maladie grave et en l’état actuel de la science incurable.
Elle nous a rejoints de nouveau, pendant plusieurs années avant de repartir diriger la société familiale tout en continuant à travailler ponctuellement pour le cabinet. Sa capacité de résilience, sa force de caractère, sa mobilisation sont un exemple permanent de réussite humaine.
Propos recueillis par Gérard-Dominique Carton- Président GCCG
Novembre 2018