Groupe Gérard Carton
La passion des solutions

Interview de Madame Sylvie LOIRE-FABRE

Le Groupe Gérard Carton vous propose tous types de lectures, longues ou brèves, souvent teintées d'humour mais toujours sérieuses...

Quels grands principes guident vos orientations et décisions ?

Les principes rejoignent, de fait, mes valeurs à savoir :

• Prendre des décisions justes,
• Être honnête,
• Combiner exigence et bienveillance,
• Libérer les énergies et faire émerger les talents.

Je veille à ce qu’il n’y ait pas de dissonance entre les valeurs que je proclame et mes comportements, arbitrages et décisions. J’aime avoir des relations vraies avec les autres et travailler au sein d’une équipe soudée et, portée par des motivations et des comportements constructifs. J’aime que mes équipes soient heureuses au travail. Je crois qu’il faut savoir être audacieux, rechercher et saisir les opportunités. Pour autant je ne prends d’engagements que ceux que je sais raisonnablement pouvoir tenir. Je crois enfin qu’un dirigeant doit être accessible, accepter de se tromper et pouvoir reconnaître ses erreurs.

Quelles qualités doit cultiver une dirigeante et sur quelles compétences s’appuyer ?

Le dirigeant doit indiquer le cap, aider à le tenir, et engager les marins ! C’est-à-dire leur donner envie. Cela passe par proposer une vision et parvenir à mobiliser ses collaborateurs pour que tout le corps social soit pleinement associé et engagé pour l’atteinte des objectifs stratégiques.

Le dirigeant doit cultiver deux intelligences :
• L’intelligence des situations ; cela permet de cerner rapidement les enjeux et de prendre rapidement les décisions nécessaires.
• L’intelligence relationnelle qui permet de développer l’ouverture et l’écoute pour une communication juste, bases de la coopération et la confiance.

Quelles sont vos grandes priorités et qu’attendez-vous de vos collaborateurs directs ?

Nommée récemment à la tête du Directoire de BTP Banque en succédant à une personne restée 47 ans dans l’entreprise, ma priorité est d’impulser le changement dans le respect des engagements de mes prédécesseurs. Inscrire l’Entreprise dont on m’a confié la direction dans le monde de demain, la rendre encore plus agile pour affronter et remporter les défis de ce monde comme la digitalisation de nos activités, la pression réglementaire croissante.
Pour ce qui est de mes collaborateurs, j’attends d’eux de démontrer engagement, loyauté, respect, solidarité et aussi qu’ils me challengent. Je désire travailler avec des équipes qui sont prêtes à dépasser leurs préoccupations personnelles au service du collectif, qui font preuve de générosité envers les autres.
Je souhaite pouvoir déléguer en toute confiance. J’aime que mes équipes soient force d’initiative. Je donne beaucoup de liberté et responsabilise beaucoup avec en contrepartie le respect par chacun des objectifs fixés engagements pris.

Quels défauts vous inquiètent/ interpellent ?

Globalement le « conformisme » ; l’incapacité à remettre en question les façons de faire ou ses idées, le manque de recul et d’ouverture d’esprit. Deux autres « défauts » m’interpellent, le manque d’implication que l’on perçoit dans une attitude distanciée, le manque d’envie de contribuer activement, un détachement vis-à-vis des sujets à traiter ou des missions.

Comment gérez-vous votre stress de dirigeante et quelles satisfactions sont les vôtres dans votre rôle ?

Avoir des imprévus, faire face à des situations difficiles me stimule plus que cela ne génère de stress pour moi. Une pratique régulière du sport et de la cuisine ; ce sont des de bons antidotes ! Connaissant mes limites, je sais décompresser lorsque j’en ressens le besoin. Je différencie « stress » et « pression » . Toutefois, lorsque mes collaborateurs se montrent stressés, je recherche avec eux les éléments permettant de les aider dans la situation, ou de moins la vivre comme « pénible » .
Pour ce qui est de mes satisfactions, cela me stimule d’avoir un métier aux activités variées et qui génère des moments d’intensité forte. J’aime relever des défis et les challenges. La volonté de toujours faire mieux me porte dans mes actions et décisions, et pour cela j’apprécie le niveau d’indépendance que donne la position de dirigeant, et d’être en capacité de m’organiser selon mon choix. J’apprécie aussi de pouvoir prendre des initiatives, innover, et de pouvoir peser sur et/ou prendre les décisions stratégiques.
Enfin, j’aime mesurer l’utilité de mon travail. Mesurer, avoir conscience de l’utilité et du bénéfice de son travail pour la société, les personnes. On ne travaille pas pour soi, mais pour autrui, rendre leur vie meilleure, plus agréable, moins problématique ou difficile.

Quelles habitudes de travail font la réussite ?

Quatre habitudes clés : Exigence, rigueur, efficience, disponibilité

À la base, une exigence forte et constante envers moi-même et les autres. Je structure et organise mon activité pour travailler efficacement. L’efficience se démontre par les résultats, j’aime comprendre comment on obtient de bons résultats pour renouveler les réussites. Je fixe des objectifs ambitieux, tant pour moi-même que mes collaborateurs.
Pour qu’ils soient atteints, je sais me rendre disponible. Cela m’oblige à cultiver une grande capacité de travail et de mémorisation.

Les critères d’une bonne équipe de Direction ?

Une bonne équipe de direction se définit par un fonctionnement collectif visible aux yeux de tous. Il est essentiel que chacun se sente libre de s’exprimer, et se donne le devoir de le faire. Il faut aussi que chacun se sente responsabilisé et que tous soient fédérés autour d’un projet avec la volonté de le faire aboutir.
Une bonne équipe de direction est centrée sur la qualité des résultats de l’entreprise, et leur obtention dans le respect total des valeurs. Elle peut à la fois prendre du recul et de la hauteur, savoir s’extraire lorsqu’il le faut du quotidien, pour réfléchir afin de mettre les situations et les solutions en perspective des défis qu’elle rencontre.

Quels stéréotypes sur le management combattez-vous, et comment ?

Le fameux stéréotype de la technicité en management... Un bon manager ne doit pas nécessairement avoir une maîtrise technique / métier supérieure à celle de ses collaborateurs. Les stéréotypes de genres, âges, CSP… Les idées toutes faites sur la valeur prédictive de certains diplômes. J’ai de l’estime pour ceux qui, par exemple, pendant leurs études, ont « travaillé » et ont démontré une vraie capacité d’engagement ; ceux qui ont su vaincre des difficultés qui en auraient découragé d’autres.
Je crois dans la vertu de la promotion interne, j’ai de nombreux exemples de personnes ayant des carrières réussies avec des diplômes moins valorisés que d’autres, et qui en quelques années occupent des positions clés, par la qualité de leur travail, leur engagement et leur volonté d’apprendre et progresser.
Enfin, le grand stéréotype selon lequel « on ne peut pas allier carrière et famille » . Maman de 2 enfants, j’ai mené un parcours professionnel varié sans avoir eu le sentiment de sacrifier ma vie de famille. Il suffit d’être organisée, d’optimiser les temps de trajet et de déléguer l’intendance !

Si vous deviez donner un conseil à de jeunes managers appelés à prendre des fonctions de direction, que leur diriez-vous ?

D’abord OSER devenir dirigeant. Rester optimiste, confiant, être déterminé lorsque la route est difficile. Ne pas se laisser impressionner par l’ampleur de la tâche.
Savoir s’entourer et partager ses problématiques de dirigeants avec d’autres dirigeants hors de son cercle rapproché. Utiliser son réseau : j’ai été membre du centre des jeunes dirigeants pendant des années. Rester soi-même et fidèle à ses valeurs et principes. S’attendre à devoir être courageux dans nombre de circonstances.

Quelles évolutions a connues le rôle de dirigeant ces dernières années, et quelles évolutions voyez-vous se profiler ?

La nouvelle génération est en quête permanente de sens. Le management fondé sur l’autorité du chef et la stricte hiérarchie est un modèle qui a vécu dans la plupart des organisations. La bienveillance dont je parlais devient un mode opératoire plus qu’un état d’esprit. Partir de l’hypothèse selon laquelle la plupart des collaborateurs sont capables du meilleur plutôt que du pire et en déduire un mode de management à la fois humain, bienveillant et responsabilisant fait son chemin.
Je crois aussi que dans les secteurs traditionnellement à dominance masculine, les femmes font leurs entrées et le feront de plus en plus.

Qu’est-ce qui pour vous caractérise une « situation difficile » ?

La gestion d’un collaborateur en grande souffrance personnelle dont la performance est au plus bas ou bien dont les comportements génèrent du mal-être autour de lui. C’est une situation dans laquelle on est confronté à une opposition éprouvante entre la volonté d’aider et le devoir d’assurer la performance de l’entreprise ou d’une équipe. Les situations difficiles, pour moi, sont toujours du domaine de l’humain, jamais du domaine technique ou financier.

Qu’avez-vous appris au cours de votre carrière qui vous sert quotidiennement ?

Rien ou presque n’est impossible si l’on s’en donne les moyens. Les moyens de comprendre, les moyens d’agir, les moyens de progresser, les moyens de choisir. Je crois que l’on a presque toujours le choix, c’est la difficulté de certains choix qui donne l’illusion que « l’on n’a pas le choix » .

Sylvie Loire-Fabre a accepté de se prêter à l’exercice d’association libre d’idées à partir d’un mot...

Tableau

Avez-vous une ou deux anecdotes à partager ?

Je me suis confrontée il y a près de 10 ans à un manager extrêmement exigeant qui a bousculé nombre de mes certitudes.
Je ne serai pas la dirigeante que je suis aujourd’hui si nos routes ne s’étaient croisées. Son exigence m’a permis de déployer des ressources que je n’avais pas encore exploitées. C’est par l’exigence et l’auto-exigence que l’on progresse.

La seconde anecdote est celle d’un chef d’une entreprise en grande difficulté et structurellement condamnée que j’ai accompagnée, avec mes équipes, pendant deux ans vers une fin honorable. 20 familles ont bénéficié de cet accompagnement et ont pu avoir le temps de se repositionner. C’est une grande satisfaction.

Propos recueillis par Gérard-Dominique Carton- GCCG

Octobre 2018