Groupe Gérard Carton
La passion des solutions

Interview de Madame Valérie Bouvignies

Le Groupe Gérard Carton vous propose tous types de lectures, longues ou brèves, souvent teintées d'humour mais toujours sérieuses...

• Quels grands principes vous guident dans l’exercice de fonctions de manager ?


La particularité de ma fonction implique de faire travailler ensemble autour d’un projet des équipes pluridisciplinaires, multiculturelles, et ce à distance, sans lien hiérarchique.
La « Dream team » existe rarement d’emblée. Elle est à construire pour assurer la réussite du projet dans les temps impartis.
Dans ce sens, les principes qui me guident sont de communiquer une vision claire et de donner un cap, d’insuffler mon énergie et ma passion, de donner l’exemple, de respecter les différences culturelles de travail, tenir compte des forces et faiblesses de chacun sans jugement. A chaque étape, ou obstacle rencontré, je m’efforce communiquer avec pédagogie, utiliser la réflexion collective pour trouver des idées et des solutions.
Considérer une équipe comme un bloc est une utopie. L’équipe est avant tout une somme d’individus, de personnalités, de savoirs différents dont il faut tenir compte. J’attache de l’importance à comprendre le fonctionnement des individus afin qu’ils interagissent de façon productive et se fédèrent autour de l’objectif commun.
La reconnaissance des efforts est un point essentiel à pratiquer constamment.


• Quelles qualités avez-vous le plus appréciées chez vos « patrons » au cours de votre carrière ?


J’ai eu la chance d’avoir deux très bons managers.
Le premier était un véritable leader charismatique doublé d’un bon manager. Il suscitait l’admiration, fédérait naturellement ses équipes autour de lui. Il savait trouver le juste dosage entre la confiance qu’il accordait à ses collaborateurs et un suivi réel sans être trop « contrôlant ». Il était un capitaine donnant les grandes lignes directrices et la liberté à ses équipes pour effectuer leur mission. Il savait défendre l’intérêt de ses équipes, être reconnaissant vis-à-vis de ses collaborateurs sans aucune complaisance. Il favorisait l’esprit d’équipe tout en sachant pousser la performance individuelle. Il reste pour moi un exemple inspirant.
Le deuxième manager voyait son rôle comme un coach facilitateur. Il savait cerner les forces et les faiblesses de ses collaborateurs. Il encourageait à développer nos points forts et apportait un soutien concret pour compenser les faiblesses de chacun. En ce qui me concerne, travaillant en home office loin des centres de décisions, il était toujours disponible pour me conseiller la meilleure façon de communiquer et de naviguer dans les méandres de notre organisation mondiale complexe. Il ne donnait pas l’impression de manager, mais d’accompagner ses équipes.


• Quelles qualités avez-vous le plus appréciées chez vos « collaborateurs » au cours de votre carrière ?


Les collaborateurs avec qui j’ai le plus apprécié de travailler avaient pour qualité commune d’être compétents dans leur domaine, autonomes, force de proposition, engagés avec un haut niveau de conscience professionnelle. Ils ne se comportaient pas en exécutants alors qu’ils auraient pu se contenter de rester dans leur définition de fonction. Ils communiquaient naturellement ce qui me permettait de travailler en confiance (car informée) en leur donnant une liberté d’action qui les motivait. Ils n’hésitaient pas à me consulter pour les décisions à prendre où partager sur des problèmes à résoudre qui dépassaient leur champ de décision. J’effectuais des points réguliers avec eux, mais sans besoin de le faire dans l’esprit de contrôle.


• Comment gérez-vous votre stress dans les situations difficiles ?


La pratique du yoga, du jogging, de la marche, une alimentation aussi équilibrée que possible ; dormir le nombre d’heures dont j’ai besoin pour récupérer. Je m’offre des bulles de déconnexion à travers la peinture.

Peinture

J’ai identifié une situation qui me stresse particulièrement : les périodes de déplacements intensifs dans des multiples lieux en Europe, déplacements qui peuvent s’enchaîner sur plus d’un mois avec des journées frôlant souvent 18 heures. Afin de limiter le stress que la perspective de ces déplacements occasionne, je me concentre sur la journée en cours et évite de raisonner à l’échelle de la semaine.
Je me focalise également sur les moments agréables de la journée, même s’il s’agit de détails. Durant ces périodes je ne prévois aucune contrainte le week-end. Il m’a fallu néanmoins du temps pour y réussir. Se centrer sur l’instant présent nécessite un certain entraînement mental.


• Quels défauts vous paraissent incompatibles avec les fonctions de manager ?


- Un haut degré de narcissisme me semble incompatible avec le management et se révèle toxique pour les collaborateurs.

- Une faible confiance en soi empêche de faire confiance aux collaborateurs et prédispose à micro-manager.

- Un esprit purement carriériste (à différencier de l’ambition) ; l’équipe est utilisée comme levier sans se préoccuper de ses besoins.

- Des personnes malfaisantes inspirées par leur pouvoir de nuisance et manageant par la terreur.

- Un manque de vision et de sa communication à son équipe ; cela va souvent de pair avec des objectifs confus.

- Un manque d’écoute et d’intérêt pour ses collaborateurs accompagné souvent d’un manque de disponibilité pour ces derniers.

- Une personne qui systématiquement ne souligne que le négatif sans équilibrer avec le positif.


• Si vous pouviez revenir en arrière, que changeriez-vous dans ce que vous avez fait ?


Je m’attacherais à faire rimer réussite avec réalisation de soi.


• Quels conseils donneriez-vous à un manager débutant ?


Travailler sa crédibilité, avec un mix de communication, d’humilité et de compétence dans le domaine d’activité. Accepter que l’on ait encore beaucoup à apprendre ; cela vient avec l’expérience faite aussi d’erreurs ou maladresses ; elles sont normales dans ce processus de construction d’expérience professionnelle. Apprendre de ses erreurs, mais aussi des plus expérimentés que soi, de ses collègues et de ses collaborateurs.


• Quels conseils donneriez-vous à un manager confirmé ?


Se souvenir toujours que le management est avant tout une science humaine (tant qu’il y aura des humains dans l’entreprise).


• Quelle est selon vous votre principale force ?


Faire cohabiter (sans drame) l’humain et une forte pression sur la performance et les résultats.


• Avez-vous été confrontée à des stéréotypes sur le management au féminin et à des formes de machisme ?


J’ai rencontré ces stéréotypes dans des secteurs d’activité quasi exclusivement masculins au sein desquels j’ai fait partie des pionnières en tant que femme. Le machisme n’était pas la règle générale, mais fréquent.
Mes prises de fonctions m’ont fait penser au dompteur qui entre dans la cage aux fauves. Il ne lui est pas permis de trébucher, montrer la moindre faiblesse ou tourner le dos…
Ceci étant, une fois les préjugés dépassés, j’ai remarqué que mes plus grands détracteurs sont devenus par la suite mes plus fidèles alliés. En revanche, si les comportements machistes sont assez facilement modifiables, je ne peux pas en dire autant du fameux « plafond de verre ». Il n’est pas une légende, et semble immuable.


• Comment voyez-vous l’avenir du Management ?


Il va falloir intégrer l’humain dans un environnement technologique croissant à évolution rapide. Et ce sans précédent par rapport aux évolutions passées. Le métier de manager va se complexifier. Je crois qu’à terme certaines strates managériales disparaîtront au profit de l’intelligence artificielle. Je ne pense pas que cela soit de la science-fiction, tout ce qui peut être mis en équation est gérable par l’IA.


• Qu’est-ce qui selon vous différencie une « bonne Entreprise » d’une mauvaise ?


De façon générique, une bonne entreprise peut se résumer en une équation de bon sens : Anticipation de l’avenir + gestion financière saine + employés motivés = Performance et durabilité.

Si l’un des paramètres vient à manquer ou dysfonctionner, le résultat se transforme en inconnue.
Vue de l’intérieur une « bonne entreprise » est celle où l’on a plaisir à travailler, où l’on a le sentiment de progresser, d’être vraiment utile à son équipe, d’être contributeur au succès, et où l’on développe un sentiment d’appartenance légitime, partagé avec son entourage professionnel. Celle où l’on aime son travail et aime travailler, celle dans laquelle les difficultés sont résolues par l’entraide, la coopération sincère, avec enthousiasme, complicité, responsabilité et intelligence.


• Quels mots / pensées associez-vous aux mots suivants :


Tableau

Propos recueillis par Gérard-Dominique Carton- GCCG

Mai 2018