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Ultracrépidarianisme et son contraire

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L’ultracrépidarianisme et son contraire

L’ultracrépidarianisme est la tendance à s’exprimer avec conviction sur des sujets, tous les sujets, pour lesquels on n’a aucune compétence.
Il est né de l’expression latine « Sutor, ne supra crepidam. », rapportée par Pline, dans son histoire naturelle :
Un cordonnier (sutor), signale à Apelle. , un peintre grec, une erreur dans la représentation d’une sandale (crepida). L’artiste corrige son erreur, et le cordonnier lui fait d’autres critiques, sur l’œuvre, et c’est alors qu’Apelle lui dit « le cordonnier ne devrait pas donner son avis plus haut que la chaussure » ( nē suprā crepidam sūtor iūdicāret ).
Il est dit qu’Apelle fut le seul autorisé à peindre le portrait d'Alexandre le Grand. Aucune de ses œuvres n’a survécu
Le mot est dû à William Haslitt, écrivain anglais, vers 1819, au sujet d’un critique littéraire qu’il trouvait incompétent. Il a fallu attendre le XXIe siècle pour qu’il soit utilisé en France, et ce mot a été élu « mot de l’année » en 2021 en Belgique.
L’ultracrépidarianisme prospère, notamment en périodes de crise, et lorsque des polémiques enflamment les discussions générales…
Il a longtemps été considéré comme le propre de certains métiers où l’on « papote », comme les taxis et les coiffeurs et les masseurs.

Les réseaux sociaux sont à présent un champ infini de propagation de l’ultracrépidarianisme…
Avoir un avis n’est pas avoir un savoir, encore moins une compétence…
Sur la Guerre en Ukraine, au Moyen-Orient, au Burkina Faso, Somalie, Soudan, Yémen, Birmanie, les avis ne manquent pas…

Certaines émissions radiophoniques, connues pour donner la parole aux auditeurs, produisent un florilège d’insondables stupidités proférées avec la plus grande conviction à des heures de grande écoute.
Bien sûr les débats politiques le font fleurir...

En Entreprise, il est très présent et parfois même encouragé. Autant l’on reconnaît qu’il faut des compétences comptables et financières pour donner un avis sur les résultats financiers, autant il paraît « normal » de donner son avis sur l’humain, le management, le marketing, les ventes et l’informatique avec un bagage plus léger qu’une sacoche vide…

Au détour d’une petite méditation, je me suis demandé s’il serait opportun de nommer l’inverse de l’ultracrépidarianisme. …

Il arrive que l’on rencontre des personnes, expertes sur un sujet qui patiemment écoutent un ultracrépidarien leur en parler avec aplomb et conviction, ne disent pas un mot, et souvent mettent un terme au papotage avec l’expression élégante « il est possible que vous ayez raison ».

Je propose pour les qualifier « Infracrépidariens. » pratiquant l’infracrépidarianisme. .

Vous avez sûrement rencontré de ces personnes, peut-être en êtes-vous une. …

Ces personnes :
• Ont les pieds sur terre, (infra. - crepida= en dessous de la chaussure)
• Savent ce qu’elles savent,
• Savent qu’elles ne savent pas tout,
• Savent se taire et écouter
• N’émettent pas d’avis sur ce qu’elles ne savent pas,
• Différencient faits et opinions
• N’embarrassent personne avec leurs connaissances
• Posent des questions pour apprendre et savoir mieux
• Restent humbles devant la galaxie des connaissances
• Cultivent le doute intelligent

En entreprise, dans les fonctions managériales, l’infracrépidarianisme est une qualité, voire une compétence.
Recruter des collaborateurs experts, compétents, « qui en savent plus que vous. » sur ce pour quoi ils sont employés est intelligent, sinon, sage.

L’humilité devant la tâche n’empêche aucunement de l’accomplir avec succès, c’est même un des meilleurs moyens d’y parvenir.

En vous souhaitant de chausser la bonne approche ,

Très cordialement,
GDC

Gérard D Carton

La lettre du GCCG- Mars 2024- III