Groupe Gérard Carton
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De la polysémie en vocabulaire managérial.

Le Groupe Gérard Carton vous propose tous types de lectures, longues ou brèves, souvent teintées d'humour mais toujours sérieuses...

La polysémie est la caractéristique d'un mot ou d'une expression qui a plusieurs sens ou significations différentes. Elle est source d’ambiguïté.

Plus on utilise de mots polysémiques, plus on génère de confusion et de dysfonctionnements. Quelques exemples ?

Responsable signifie à la fois répondre de ses actes, être la cause d’une situation, pouvoir prendre une décision sans avoir à en référer, être raisonnable, rationnel et enfin être en position hiérarchique.

Leader : Désigne une personne qui commande, qui dirige, qui exerce une autorité, une influence, mais aussi une personne qui entraîne les autres sans avoir de statut hiérarchique.

Changement : désigne à la fois le fait de changer, l’action de changer et le résultat de cette action. Il comporte une quarantaine de synonymes.

Résultat : caractérise ce qui résulte d’une action, d’un fait, d’une décision, mais aussi la solution d’un problème, les bénéfices ou pertes d’une activité, un succès ou un échec. Un résultat peut être inespéré ou désespérant, et il est surtout le plus souvent subjectif et interprétable selon des perspectives différentes.

Communiquer : S’il existe un verbe polysémique c’est bien celui-ci. Il signifie faire savoir, transmettre des informations, faire partager, mais aussi influencer, donner accès à des informations… Le verbe prend une dimension particulière dans l’expression « problème de communication », le plus implicite des diagnostics pour qualifier de qui va de l’incompréhension à la mésentente et parfois l’hostilité la plus évidente.

Empathie : capacité à se mettre à la place d’autrui, à « ressentir » ce qu’il ressent, mais aussi compassion allant dans certains cas jusqu’à la complaisance….

La phrase « Un leader doit démontrer de l’empathie et bien communiquer pour conduire le changement et obtenir des résultats » est un piège cognitif total et une injonction implicite paradoxale.

Si on la transforme en instruction (encore un mot polysémique), dans le sens de directive, que doit comprendre celui à qui l’on prodigue cette généreuse recommandation ?

Que s’il n’obtient pas de « résultat » (implicitement, devoir de réussite), il n’est pas un vrai ou bon « leader » ? Aura manqué d’empathie ? N’aura pas su « communiquer » ?

Que tout le monde n’aura pas accepté le changement ?

Il est seul face à une intimation dont l’interprétation est simple dans la forme et complexe en analyse. Quelle doit-être sa réponse comportementale ? Quels moyens doit-il mobiliser pour « réussir » ?

Il y a pire…

L’utilisation de la sémantique négative dans l’injonction… « Un leader ne doit pas manquer d’empathie et ne peut pas faire l’impasse sur la communication, dans la conduite du changement faute à ne pas obtenir de résultats »

Ici on ajoute une difficulté supplémentaire, liée à l’incapacité de notre cerveau à traiter des injonctions en sémantique négative. Ne pensez pas à vos impôts, ou à la couleur jaune, ou à vos malheurs… Bien sûr que vous y pensez dès l’injonction formulée. « On ne peut pas ne pas » On comprend le message, mais on est incapable de l’exécuter.

Ne vous inquiétez pas dit pour rassurez-vous est générateur d’inquiétude.

La polysémie est à l’opposé de la précision.

Une règle simple :

Pour un résultat précis, donner des instructions précises. Entendre « instruction » dans son double sens, celui d’acquisition de connaissance/ enseignement, et de consigne / injonction.

Sachant que beaucoup de personnes n’osent souvent pas poser de questions de spécification, pour assurer une compréhension optimale (et cela d’autant qu’on leur a dit « n’hésitez pas à poser des questions » !), et que les stéréotypes sur l’intelligence font qu’il est mieux vu de faire semblant de comprendre que d’avouer que l’on n’est pas sûr d’avoir compris, avoir recours à des précisions, des exemples et chaque fois que cela est possible des mots monosémiques, est une piste intéressante.

On n’entend que ce que l’on comprend. On ne comprend « bien » que ce qui est dit clairement.

Ce qui est clair est précis.

Bien cordialement vôtre,

Gérard-Dominique Carton

GDC

La minute de bon sens. Une publication du GCCG - juin 2019