Groupe Gérard Carton
La passion des solutions

Interview de Madame Virginie GOZIN

Le Groupe Gérard Carton vous propose tous types de lectures, longues ou brèves, souvent teintées d'humour mais toujours sérieuses...

VG BANNER

Quels grands principes guident vos décisions dans votre vie professionnelle ?

Parler de grands principes présente toujours le risque d’être trop conceptuelle ou idéaliste, et de fait décalée des réalités et du quotidien. Pourtant, je crois dans la valeur des principes, ces guides de l’action et de la décision. Alors au risque de paraître banale, je dirais en premier lieu l’éthique, l’humain et la performance. Les trois en lien constant.
Je crois que ces principes permettent d’entretenir chez les collaborateurs l’amour de leur travail et donc celui de nos clients, et qu’ils créent les conditions idéales pour dénouer les situations difficiles et renouveler les situations agréables. Je crois aussi que ces trois principes sont le fondement de l’établissement d’une relation de confiance. Toute entreprise normalement constituée veut des clients heureux, fidèles, prescripteurs, selon moi cela passe par la réalisation de conditions d’exercice optimales de la mission de tous les collaborateurs.

Quelles qualités / compétences sont selon vous essentielles pour un dirigeant / Encadrant ?

Avant tout de belles qualités humaines. Les compétences techniques, opérationnelles peuvent toujours s’acquérir et se développer. Les qualités humaines favorisent la capacité à aimer qui conduit à l’empathie, ce qui n’est pas inné pour tous. Aimer l’être humain, avec ses forces et ses défauts, avoir du respect y compris pour les différences de vues ou d’opinions nous permet aussi, en tant que dirigeant, d’agir en toute humilité et en progression constante.
Je crois donc qu’une grande qualité est de bien se connaître soi-même pour effectivement pouvoir connaître et comprendre autrui et ses situations propres.
Ensuite, savoir quand et comment dire oui ou dire non avec empathie, lucidité et sérénité. Une qualité essentielle est donc d’être à l’écoute, pour comprendre et donc entendre vraiment et pouvoir accompagner efficacement.

Quelles sont vos priorités ?

Cela rejoint mes trois principes… Ma priorité est d’être juste. Dans les décisions, les orientations, l’énergie dépensée pour obtenir des résultats satisfaisants. Il s’en suit une seconde priorité, celle de transmettre, car rien de ce que je fais m’appartient. La troisième est d’apprendre, toujours apprendre.
Je me sens aussi jeune qu’à 28 ans, parce que j’apprends tous les jours.

Quelles qualités attendez-vous de vos collaborateurs directs, des encadrants / dirigeants ?

Parler vrai, et je sais combien c’est difficile, car cela ne signifie pas dire tout ce qui passe par la tête, mais être capable de sincérité, de lucidité, de relativisation et d’oser exprimer tant ce qui va que ce qui ne va pas.
Parler vrai et s’inscrire dans une dynamique et un esprit d’équipe avec détermination, loyauté aux objectifs et à la mission, et convivialité.
Pour les encadrants / dirigeants, je pense qu’une qualité essentielle est la maîtrise de l’ego et donc la démonstration de la capacité d’écoute et de compréhension.

Quels défauts vous inquiètent / interpellent ?

La malhonnêteté intellectuelle, celle qui surfe sur la mauvaise foi.
L’obsession du pouvoir ou de la domination qui rend les relations conflictuelles et pénibles.
L’attirance pour les conflits.

Quelles satisfactions vous donne votre rôle ?

Voir la progression des collaborateurs, leur satisfaction au travail, observer leur sortie de leur zone de confort, et la fierté qu’ils ont à réussir collectivement.
Avoir des collaborateurs qui viennent vous parler « vrai », se montrent ambitieux dans leurs objectifs professionnels, et qui me font confiance naturellement...

Quelles habitudes de travail font votre réussite ?

Elles se résument à « tenir ses engagements » . Dire ce que l’on fait, faire ce que l’on a dit, ajuster lors d’impondérables, mais « assurer » . Être à l’écoute, et toujours accompagner.
Une bonne habitude me semble aussi de ne pas porter de jugements sur autrui, et de penser « solutions » . Rechercher les solutions me paraît plus productif que de chercher des coupables ou des explications…
Enfin, ne pas faire à la place des collaborateurs... Accompagner, aider, et s’attacher à ce qu’ils fassent ce qu’ils ont à faire avec fierté.

Quels sont selon vous les critères révélant une bonne équipe ?

Une bonne équipe est celle où les gens travaillent ensemble, dans la bonne humeur, avec un bon niveau d’entraide et donc là où les objectifs sont atteints ensemble. Ses membres ont plaisir à se retrouver chaque matin, et, parce que c’est la vie, lorsque quelqu’un ne va pas bien, n’est pas en forme, les autres membres de l’équipe sont en soutien.

Si vous aviez des conseils à donner à un jeune, lesquels lui prodigueriez-vous ?

Lancez-vous, osez, foncez !
Attachez-vous à voir le bon côté des choses. Les difficultés font progresser tant qu’on les accepte comme faisant partie de la vie, et que l’on s’attache à les vaincre.
On parle beaucoup de « positivisme » , et il faut bien reconnaître que l’on rencontre régulièrement des difficultés, des contraintes, des problèmes ; il est certain que de se laisser conditionner par les choses négatives ne permet aucunement de les vaincre. Ce qui fait la valeur d’une mission tient aussi à sa difficulté. Si c’était facile, tout le monde pourrait le faire…

Qu’est-ce qui a le plus évolué, selon vous, dans le rôle de dirigeant / Encadrant ces dix dernières années ?

La parole se libère, il est de plus en plus reconnu que tout le monde est « important » dans l’entreprise… La prise de conscience de l’importance de chacun et de toutes les parties prenantes fait que le rôle des dirigeants est plus orienté vers la communication, les relations, et moins « hiérarchique » pur.
Ce qui a évolué aussi est que l’on peut être dirigeant à tout âge alors qu’il y a seulement quelques années la vaste majorité des dirigeants étaient nécessairement plus âgés que la moyenne. Je me rappelle encore des encouragements bienveillants de ses mentors quand j’ai eu l’opportunité de diriger une première structure, en parallèle de l’incrédulité de certains collègues lors de rencontres professionnelles à l’époque.
Enfin, il y a de plus en plus de femmes dirigeantes, et cela est vraiment entré dans les mœurs de beaucoup, même si un certain machisme est toujours présent dans certaines sphères et que nous sommes encore loin de la parité.

Qu’est-ce qui pour vous caractérise une situation « difficile » ?

Lorsque l’on n’arrive pas à se comprendre et à s’entendre. Lorsque le respect interpersonnel est absent. Lorsqu’à cause de cela il n’y a plus de lien entre les personnes.

Qu’avez-vous appris au cours de votre carrière qui vous sert quotidiennement ?

Avoir l’esprit ouvert et toujours faire l’effort de comprendre autrui, sa représentation personnelle de la réalité, pour pouvoir communiquer, s’entendre et créer un lien. On ne peut juste vouloir être compris, écouter, sans faire l’effort de la réciprocité.

Quels grands challenges s’annoncent pour le management dans le futur à moyen terme ?

Probablement l’instauration du management collaboratif, participatif. A priori tout le monde le souhaite, mais c’est très difficile à réellement obtenir. Le management a besoin de se réinventer, et pour ce qui concerne ce que l’on appelle maintenant le « management libéré » , beaucoup ne sont pas prêts, tant chez les managers que les managés.

Quels mots / pensées associez-vous aux mots suivants :

VG TABLEAU

Avez-vous une ou deux anecdotes à partager ?

Je me rappellerai toujours mes premières années de management d’équipe. Je suis encore capable 30 ans après de trouver les noms des premiers consultants que j’ai eu le plaisir de manager : ce sont grâce à eux, nos succès et les erreurs que j’ai pu faire avec eux et leur compréhension et leur aide pour progresser que je suis devenue la dirigeante que je suis aujourd’hui.
À cette époque, une jeune femme, du même âge que moi, analyste informatique avait toutes les qualités pour être chef de projet. Pour la mission qui suit celle qu’elle a en cours, je lui propose donc une mission de chef de projet et nous allons ensemble au RDV client que nous avons brièvement préparé en amont.
Le RDV avec le client est une catastrophe, nous ne signons pas l’affaire. Ne comprenant pas le pourquoi du comment, lors de la « lost review » , je lui pose la question du pourquoi de son attitude si négative et si fermée durant l’entretien. Gentiment, calmement et sans tabou, elle m’explique que la mission ne l’intéresse pas et qu’elle ne veut pas être chef de projet, les bras m’en tombent.
Je viens de découvrir de nombreuses règles du jeu qui régissent toujours mes relations professionnelles aujourd’hui « on ne fait pas le bonheur des autres à leur place », « il n’y a de question idiote que celles qui ne sont pas posées », « mes envies ne sont pas celles des autres », « voir le potentiel d’un collaborateur ne suffit pas à le rendre heureux », « le secret n°1 de la réussite est la préparation individuelle, le secret n°2 est la préparation collective et le secret n°3 est la préparation empathique et assertive », « écoute, pose des questions, ne juge pas, adapte-toi » .

Plus récemment, je travaille avec une direction sur un sujet complexe et, après plusieurs mois de rencontres, ateliers, groupes de travail, études d’idées, nous trouvons ensemble une solution que nous mettons en place. Cette nouvelle solution révolutionne vraiment la façon de travailler de 50 collaborateurs ; entre autres, nous passons de l’oralité à l’écrit et nous allons vers plus de la transparence, de partage conscient et des objectifs chiffrés.
La conduite du changement est essentielle pour la réussite du projet. 2 ans se sont écoulés et à l’occasion d’un nouveau sujet, j’interroge le Directeur concerné pour lui demander comment se passe le sujet ABC, son appropriation et comment vont les équipes, etc.
Étonné et sincèrement surpris, il me répond « mais, Virginie, pourquoi me poses-tu cette question ? Tout va bien ! Cela fait des années que nous travaillons comme ça, pourquoi voudrais-tu que cela soit compliqué ? » .
Et voilà : l’invisibilité et l’évidence sont l’autre face du succès. Si on oublie que j’ai accompagné le changement, y compris quand il a été complexe et douloureux, c’est que j’ai réussi mon job !
Mon idéal est de toujours travailler avec des dirigeants et des présidents qui comprennent les différences entre ego, politique politicienne et réussite invisible.

Propos recueillis par Gérard-Dominique Carton- Président GCCG

Février 2019