Publié dans La Lettre du GCCG - Stratégies managériales
Quels grands principes guident vos orientations et décisions ?
Un indéfectible optimisme. La confiance en l’avenir et la volonté de trouver le bon chemin, la bonne solution, en faisant confiance à son intuition, née de l’expérience en ayant appris autant de ses succès que de ses erreurs ou échecs. Pratiquement toujours se positionner en « win-win » avec ses interlocuteurs, personne n’aime perdre, personne n’aime avoir tort. La considération que l’on porte à nos interlocuteurs, à leurs idées, positions, est plus essentielle pour moi que d’avoir raison, surtout si c’est le cas.
Quelles qualités trouvez-vous indispensables pour un dirigeant ?
Être un leader, savoir révéler ses collaborateurs, et obtenir des résultats avec eux, à travers eux.
Être fondamentalement respectueux d’autrui.
Quelles sont vos priorités en tant que dirigeant ?
Tracer et maintenir le cap ; toujours aller vers le but fixé, sans se laisser distraire par la multitude de sollicitations diverses, les évènements au quotidien, les interférences. Organiser, en quelque sorte, la stabilité des grandes priorités tout en restant attentif aux aléas. Faire le tri entre ce qui est essentiel et ce qui est périphérique, s’attacher à l’essentiel.
Quelles qualités attendez-vous de vos collaborateurs directs ?
En premier lieu une approche constructive, responsable, éthique. Une vraie capacité à adhérer et susciter l’adhésion de leurs collaborateurs. Être capables de développer une culture de respect « vrai ». Respect des clients, des collègues, de l’outil de travail, des valeurs portées par l’entreprise. Et puis de l’enthousiasme ; Aimer son travail, encourager, accompagner les collaborateurs, leur faire confiance. Enfin être des inconditionnels de la qualité. Qualité de service, qualité de production, qualité de leur management.
Quels défauts vous inquiètent, interpellent ?
Principalement deux :
1. La médisance. Ceux qui médisent autrui en votre présence, en disent autant à votre sujet en votre absence. Cela révèle un caractère faible et complaisant, mais aussi une forme de balourdise incompatible avec les responsabilités managériales et humaines.
2. Le manque d’ambition. Le côté « On en fait suffisamment » est incompatible avec la volonté d’excellence.
Il arrive que des personnes cumulent les deux. Cela conduit toujours vers la médiocrité.
Comment gérez-vous votre stress de Dirigeant et quelles satisfactions sont les vôtres dans votre rôle ?
Je distingue la « pression » et le « stress » . J’aime bien travailler sous pression, j’en ai besoin ; cela se traduit par une activité intense, une mobilisation constante, une gestion réelle des priorités, « on avance » .
Le stress est lui néfaste. Il empêche d’avancer, de réfléchir intelligemment. Il est sclérosant. Il arrive bien sûr que certains problèmes, certaines situations génèrent du stress. Alors je « cloisonne » .
• Tout d’abord, je m’attache à garder mon stress pour moi et ne jamais le transmettre à mes collaborateurs. C’est une pratique idiote, par laquelle in fine tout le monde est stressé et cela augmenterait « mon » stress.
• Ensuite, j’ai mes bonsaïs. S’en occuper est source de sérénité. Ils étaient là avant nous, seront là après nous. Ils ont traversé les épreuves du temps. Ils me donnent une dimension temps aplanie.
• Enfin, je pratique plusieurs activités « déstressantes », j’aime les chevaux, les bateaux, et de temps en temps, je « contemple ». Travailler à Monaco offre ce spectacle permanent d’une baie magnifique, aux couleurs aussi diverses que somptueuses.
Quels principes au travail concourent à votre réussite ?
Je suis discipliné. Je fais avec méthode et sérieux ce que j’ai à faire. Je combats la procrastination.
Je considère tout problème comme un challenge, et les challenges me motivent.
Enfin, je crois dans la grande vertu du dialogue. Il permet la plupart du temps de dénouer des situations tendues ou difficiles, et toujours de résoudre des malentendus / quiproquos.
Consacrer du temps au dialogue, dans mon expérience fait gagner beaucoup de temps en aval.
Quelles sont vos satisfactions dans votre rôle de dirigeant ?
Celles d’un « père de famille » , sans paternalisme. Aider des personnes à grandir, se réaliser. Se dépasser, aller plus loin, s’attacher à une certaine exemplarité. Avec les équipes « faire le bonheur » de nos clients et assurer des conditions de travail optimales. Nous avons de magnifiques établissements, une clientèle fidèle. Pour autant, nous innovons d’abord parce que cela entretient l’enthousiasme (de nos collaborateurs et celui de nos clients), mais aussi parce que la concurrence mondiale est sévère. Le challenge de l’innovation dans le respect des traditions est particulièrement motivant.
Alors, en synthèse, je dirais que le rôle de dirigeant à pour première satisfaction celle de toujours construire et ce faisant de réaliser les rêves de beaucoup.
Quels sont selon vous les critères révélant une bonne équipe de Direction ?
Bien sûr la qualité de ses résultats et celle de la manière de les obtenir. Cela passe nécessairement par la capacité à construire et partager des objectifs clairs, collectivement ambitieux, mais aussi :
• Un respect partagé entre exploitants et fonctions support
• Un pacte de sincérité entre les membres ; on se dit les choses avec simplicité et tact
• Un but commun et chacun contribue à son atteinte en mettant de côté les ego
• Une diversité d’opinions, d’approches, de perspectives
• Une réelle mixité hommes/femmes
Combattez-vous des stéréotypes professionnels ?
Le stéréotype selon lequel tout problème se règle par une procédure ou un process… Je crois profondément dans la dimension humaine du management. Le management « by the book » dans lequel les « procédures » et le « process » doivent tout régler m’exaspère et jusqu’à un certain point m’attriste. La prolifération des règlements, et la tendance à la bureaucratie « moyen » de contrôle efficace sont à combattre activement dans toute organisation.
Un autre stéréotype, moins vivace que par le passé, mais toujours présent et que je combats est celui selon lequel il y a des métiers d’hommes et des métiers de femmes.
Si vous aviez des conseils à donner à un jeune dirigeant, lesquels lui prodigueriez-vous ?
Travaillez votre leadership, restez humble, maîtrisez votre ego. Ce n’est pas le statut qui fait l’homme, mais l’exercice intelligent de ses responsabilités et missions. Écoutez, entendez, décidez, et entourez-vous de personnes constructives, éthiques et énergiques. Méfiez-vous de ceux qui vous disent toujours ce que vous avez envie d’entendre, donnez-vous le droit à l’erreur. Si vous n’en faites jamais, c’est que vous ne faites pas assez, ne prenez pas de risques, ou pire, que vous en faites porter la responsabilité à vos collaborateurs… Ce qui n’est pas « être » dirigeant, car ceci impose d’assurer la responsabilité lorsque les choses vont mal.
Qu’avez-vous appris dans votre carrière et qui vous sert encore aujourd’hui ?
J’ai appris que le changement est permanent, et qu’il faut construire une équipe fiable pour le conduire. On ne fait rien seul. Une équipe fiable est celle dans laquelle chacun assume sa mission, avec cœur et esprit, et dans laquelle l’entraide est une réalité. Chacun peut et doit mettre ses compétences au service du collectif.
J’ai appris aussi à « accepter » que les choses ne se passent pas toujours comme on le voudrait, et que les moyens à disposition ne soient pas toujours à la hauteur des enjeux. J’ai appris à faire avec ce que j’ai et au passage qu’il n’y a pas toujours besoin de « grands moyens » pour réaliser de belles choses.
Qu’est-ce qui a le plus évolué, selon vous, dans le rôle de dirigeant ces dernières années ?
La fragilisation des dirigeants et l’outrance des critiques. Les dirigeants sont sous observation constante de leurs faits, gestes et paroles, les critiques fusent à la moindre occasion… Comme si les dirigeants devaient être parfaits en tout. Cette exposition va croissant. Paradoxalement, dans un monde où la liberté d’expression est prônée, réclamée, exigée, celle des dirigeants doit de plus en plus être freinée.
Didier Boidin a accepté de répondre, en associant librement une pensée à un mot :
Pourriez-vous nous faire part d’une ou deux anecdotes ?
J’ai deux anecdotes.
La première, remonte à mes débuts de carrière de Dirigeant, en Côte d’Ivoire. Dans la philosophie africaine, le pouvoir ne peut s’acquérir que par la sagesse, qui va de pair avec expérience et cheveux blancs. Quand on a 26 ans, c’est un véritable défi que l’on ne peut remporter qu’en étant humble, juste et sincère dans ses choix, et en acceptant le dialogue.
La seconde se situe au Japon. J’ai beaucoup appris également en visitant le Japon (pas seulement pour les bonsaïs) …
J’avais un rendez-vous important et par réflexe, en sortant de l’ascenseur me dirige vers le plus grand bureau, avec la plus belle vue, pensant avoir affaire à mon interlocuteur.
On m’a gentiment accompagné vers un bureau très modeste à côté de l’ascenseur, où se trouvait la personne importante avec qui j’avais rendez-vous.
J’ai voulu comprendre et la réponse qu’il me fit est restée dans ma mémoire.
« Didier-san, à mon âge aujourd’hui, j’ai emmagasiné suffisamment d’images pour bien faire mon travail … Laissons nos jeunes s’enrichir en ouvrant leurs yeux sur le monde extérieur … ils ont tant à apprendre… »
Propos recueillis par Gérard-Dominique Carton- GCCG
Juillet 2018