Groupe Gérard Carton
La passion des solutions

Réalités

Le Groupe Gérard Carton vous propose tous types de lectures, longues ou brèves, souvent teintées d'humour mais toujours sérieuses...

Publié dans La Lettre du GCCG - Divers

La notion de « réalité » comporte deux niveaux distincts très souvent confondus.

La réalité de « premier niveau » porte sur ce qui est établi, prouvé, matériellement observable. Elle est formée à partir des propriétés physiques des choses, sur lesquelles on peut faire un consensus de perception correcte ou une vérification objective.

Par exemple, l’eau est liquide. Si nous partageons la définition de liquide par opposition à solide, incontestablement l’eau est liquide. C’est observable et vérifiable.

La réalité de premier niveau est fondée sur la connaissance. Elle est du domaine objectif.

La réalité de « second niveau » porte sur la signification et la valeur données à la réalité de premier niveau. Elle est fondée sur la communication. Elle est du domaine subjectif.

Lorsque l’eau devient solide, c’est de la glace, et la réalité de second niveau est qu’il fait froid. Selon que l’on a l’habitude d’un environnement tempéré, froid ou chaud, la signification est différente pour « froid ». Au Québec les habitants parlent de « froid » lorsque les températures sont inférieures à -20°. A Marseille, il fait froid à partir de +12°.

Et alors me direz-vous ?

Les contradictions durables, fortes, et de nature à créer des conflits concernant « la réalité » portent sur les réalités de second niveau.

Lorsque des personnes ont des réalités de premier niveau « différentes », l’apport puis le partage de connaissances permettent d’arriver à une réalité commune.

La signification et la valeur que l’on attribue à cette réalité peuvent, elles, être différentes, et de nouveau, « le désaccord persiste ». Il fait froid à Marseille et à Québec, mais pas à la même température objective.

L’analyse des situations, l’évaluation des personnes, de ce qu’elles disent ou écrivent dégagent une réalité de premier niveau et « des » réalités de second niveau.

Lorsque 20% des collaborateurs d’une entreprise ont une vision opposée de la qualité de vie au travail à celle de 20% d’autres collaborateurs de la même entreprise, la « réalité » de premier niveau est la même pour les deux groupes, mais la réalité de second niveau est totalement différente. Ce n’est pas avec des chiffres et des faits que l’opinion des uns ou des autres pourra évoluer, c’est à travers la communication et la recherche de partage du sens de la réalité de premier niveau et donc la seconde.

Ceci pose un nombre infini de questions sur l’équité, la justice, la performance, voire l’engagement des collaborateurs. Sur ce dernier point, un collaborateur peut s’estimer « engagé » dans la réussite de son entreprise, parce qu’il y pense en dehors de ses horaires de travail, et son manager (qui ne le voit pas en dehors des horaires de travail), estimer que cet engagement n’est pas démontré dans la vie quotidienne.

L’accumulation de faits et d’éléments objectifs ne change rien aux décalages de réalités de second niveau.

Une vingtaine de morts dans des règlements de compte à Marseille, depuis le début de l’année. Pour beaucoup c’est gigantesque. C’est moins que le nombre de morts dans des règlements de compte à Chicago chaque mois, depuis plus de vingt ans.

La réalité de second niveau s’établit à partir des référentiels personnels des individus. Les référentiels sont constitués par la connaissance, l’expérience et la culture (ensemble des valeurs partagées par le plus grand nombre de personnes dans une population).

Le véritable challenge, dans les Entreprises, est de parvenir à s’entendre sur les réalités de second niveau, c’est pourquoi, encore une fois, la bataille des chiffres et des faits ne fait qu’aggraver les désaccords.

5% de clients insatisfaits pour certains est un drame et pour d’autres non seulement « normal » mais utile à la prospérité de l’Entreprise.

L’absentéisme dans l’Entreprise est pour certains le signe d’un désengagement des salariés et pour d’autres la preuve de conditions de travail désastreuses.

L’innovation, la motivation, la performance, la compétence, l’implication, la communication, la bienveillance, la malveillance sont autant de considérations subjectives générant des réalités de second niveau différentes.

La communication le dialogue, l’ouverture, sont les clés de la réconciliation des réalités de second niveau. Les faits, les chiffres, n’y changent rien, et cela d’autant que la force des réalités de second niveau et des opinions est de nature à altérer les réalités de premier niveau. Les croyances sont plus fortes que les faits, et peuvent métamorphoser la nature même des faits. Galilée en a fait l’expérience. Dreyfus aussi.

La polémique estivale et quasi internationale sur le burkini en est aussi l’illustration. Ce n’est pas le vêtement qui est un problème c’est le sens différent et la valeur symbolique qui lui est attribuée par les uns et les autres qui crée le désaccord.

Que 0,001% de femmes portent ce vêtement à la plage ne relativise rien. Qu’elles soient mille fois moins nombreuses que les naturistes non plus.

Car au-delà des chiffres, entrent en considération les tendances, et donc les prévisions et prédictions. Il est établi que les prévisions de la plupart des gens sont médiocres. Prédire c’est se tromper souvent, mais la plupart des gens se souviennent plus des prédictions qui se sont avérées que de celles qui ont été infirmées par la suite.

En management, la capacité à traiter les différences de réalités de second niveau est importante. La méthode est simple :

  • Prendre acte de la réalité d’autrui
  • En identifier la composition et le fondement
  • Identifier la présence ou non de

    • Mauvaise foi
    • Tactique
    • Manque de connaissance/ information
    • Hypothèses négatives
    • …/…
  • Dialoguer sur ces points, et limiter l’apport de connaissances / informations aux situations dans lesquelles c’est leur absence chez l’interlocuteur qui crée le désaccord.

  • Être prêt à faire évoluer sa propre réalité de second niveau notamment s’il nous manque des informations / connaissances.
  • Objectiver in fine la réalité de second niveau sur sa signification dans le présent et l’avenir. Par exemple en proposant un essai, une expérimentation…

Un dernier point les réalités de second niveau sont étroitement liées aux émotions. Selon que ces émotions sont positives (joie, plaisir, bonheur), ou négatives (peine, tristesse, peurs), la réalité de second niveau devient « positive » ou « négative ».

Le monde est, en réalité de second niveau, « notre monde », il est beau ou horrible selon que l’on ressent majoritairement des émotions positives ou négatives, et cela totalement indépendamment des réalités de premier niveau.

Cordialement

Gdc