Groupe Gérard Carton
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Chauffards et résilience

Le Groupe Gérard Carton vous propose tous types de lectures, longues ou brèves, souvent teintées d'humour mais toujours sérieuses...

Jeune cadre en début de carrière, j’ai eu le privilège d’avoir un patron intelligent, humain, professionnel, compétent et enthousiasmant.
Au moment des vacances d’été, il m’a demandé quel était mon « plan »… Je n’avais rien de précis en tête, peut-être une balade en voiture dans le sud de l’Espagne, Tolède, Grenade, Séville, …
Il me dit : « Faites bien attention à vous, les routes sont dangereuses lors des grandes vacances… Je prends toujours les miennes vers Cahors… Je m’y rends en train-auto… c’est agréable et très sûr… Ma maison est à une vingtaine de kilomètres de la gare, j’arrive frais et dispo avec ma petite famille, pas de risque…. »
De retour de congé, j’ai appris qu’il avait eu un accident à 5 km de chez lui. Il a été très sérieusement blessé, sa famille aussi. Un chauffard doublant un camion dans un virage a percuté sa voiture de plein fouet à grande vitesse.
Je lui ai rendu visite à l’hôpital où il est resté plus d’un an.
Lors de la première visite, il m’a dit « je me souviens de notre conversation, et du conseil de prudence que je vous avais donné. La vie va ainsi… On ne peut rien contre les chauffards. … »
Ainsi va la vie professionnelle.
On rencontre de temps en temps des chauffards du management. Ils roulent pour eux, vite, écrasent sur leur passage, prennent et font prendre des risques, font des dégâts considérables…
Ainsi va la vie privée.
On y rencontre aussi des chauffards de la vie. Comme les autres, ils font des dégâts terribles, qui laissent des cicatrices et des traumatismes profonds.

Combien en avez-vous rencontré ?.
Dans une vie on en rencontre souvent plusieurs, notamment si l’on a survécu aux premiers… Ils ne font pas toujours, heureusement, des dégâts tragiques. Ils laissent quelques cicatrices, des blessures, parfois des plaies ouvertes… et des questions…
Comment aurais-je pu éviter cette rencontre ? Pourquoi moi ? Comment aurais-je pu éviter ces blessures ? Quelles ont été mes erreurs ?.
En fait, ce n’est jamais vous qui rencontrez un chauffard, c’est lui qui vient vous fracasser, vous blesser, vous meurtrir..
Chercher à « expliquer » l’accident est stérile. La rencontre avec un chauffard est un fait, un instant parfois long…
Il y a des lieux plus propices que d’autres à ces rencontres, mais les chauffards peuvent se rencontrer partout, à n’importe quel moment.
Votre prudence, votre sagesse, votre vigilance, votre prévoyance ne peuvent vous mettre totalement à l’abri de la rencontre avec un chauffard. En revanche, le vécu post-rencontre est entre vos mains. Il échappe à la fatalité.
Vous pouvez vous en vouloir, vous pouvez blâmer la terre entière, vous pouvez vivre péniblement cette « injustice », ou alternativement vous soigner, vous guérir, vous reconstruire.
Un des problèmes culturels que nous avons est de toujours chercher un/des responsables ou un/des coupables à nos malheurs. Dans le cas qui nous occupe, la réponse est simple : c’est le chauffard. *Et parce que c’est un chauffard, on n’y peut rien. *.
Toutes les personnes que je connais, toutes,. ont au moins une fois dans leur vie rencontré un chauffard.
Quelqu’un qui leur a porté préjudice dans leur carrière, dans leur vie personnelle ; quelqu’un qui a blessé un proche, un ami… Quelqu’un qui a brisé un rêve, quelqu’un qui a trahi l’amitié, l’amour… quelqu’un qui a profité, menti, manipulé, porté préjudice… Quelqu’un qui a blessé profondément, quelqu’un qui ne vit que pour lui…
On ne peut éviter les balles perdues dans les endroits où les armes vocifèrent… On peut éviter de se rendre dans ces endroits, mais cela n’empêche nullement de risquer de recevoir une balle perdue dans un endroit habituellement calme.
Il faut accepter pleinement le risque de rencontrer un chauffard n’importe où, n’importe quand..
Il faut vouloir se soigner, se guérir, se reconstruire et le faire..
Culpabiliser, se maudire, se flageller, se reprocher, s’en vouloir, estimer que l’on aurait pu ou dû faire ceci ou cela, regretter est une voie pavée de souffrance.
Il faut apprendre à regarder l’avenir avec confiance.
On ne peut pas éviter un chauffard, mais on peut en écarter beaucoup, en apprenant de nos difficultés passées…
Les chauffards de la vie ne sont pas sur les routes… Ils sont sur nos trajectoires de vie.

Les typologies de chauffards ?.

1- Les délinquants, les criminels, les psychopathes et autres sociopathes… Ils ne sont pas assez nombreux pour constituer un risque statistique important de rencontre… mais ça arrive…
2- Les « impulsifs » qui agissent avant de réfléchir, parce qu’ils sont pressés ou pour des raisons qui leur sont propres…ils sont régulièrement leur première victime…
3- Les « tueurs », totalement centrés sur eux-mêmes, leurs objectifs, n’existant que pour eux, leur « réussite », prêts à en découdre en permanence, y compris pour les choses les plus futiles… tant sur le plan personnel que professionnel.
4- Les « crétins » convaincus d’être les plus intelligents du monde, plus malins, champions des raccourcis, accros à l’irresponsabilité galopante.
5- Les « pilons » qui au nom de leurs priorités écrasent tous ceux qu’ils perçoivent comme un obstacle à la réalisation de leurs chimères.

Il existe aussi une typologie des victimes des chauffards. …
1- « Les paratonnerres à malheur ». Ce sont des personnes qui attirent les foudres du malheur. Un peu comme Corynne Charby et Pierre Richard dans le film « La chèvre » de Francis Veber, mais dans la vraie vie il y a rarement un « happy ending »…
2- Les « hermétiques aux stats », qui prennent des risques statistiquement absurdes en fréquentant des lieux à haut risque dans les pires moments.
3- Les « proies », qui par leur comportement, leurs attitudes, leurs peurs, éveillent les pires instincts des prédateurs rôdant dans leurs parages.
4- Les « accidentés », vous et moi, dont la trajectoire croise fortuitement celle d’un chauffard.

Le tableau des typologies des victimes « post-rencontre avec un chauffard » est simple.

1- Celles qui n’y survivent pas.
2- Celles dont cela pourrit la vie pour longtemps ou toujours. Elles font de longs procès, réclament des indemnisations, sont définitivement traumatisées, ne peuvent envisager de laisser le passé derrière elles et le projettent dans leur futur. Elles sont sous l’emprise des émotions négatives nées du traumatisme. Même indemnisées, elles ne peuvent construire une vie saine ou sereine.
3- Celles qui acceptent que cela fasse partie de la vie, se soignent, se guérissent et se reconstruisent. Elles peuvent éventuellement aider les personnes entrant dans la seconde catégorie.

« Accepter qu’un chauffard vous ait blessé, refuser de ne pas s’en guérir ».
Pour terminer, j’ai eu le privilège lorsque j’avais 25 ans, de rencontrer et passer plusieurs jours avec Martin Gray. Il a survécu à la Shoah, a perdu toute sa famille, s’est reconstruit, puis a perdu sa femme et ses quatre enfants dans un incendie dans le sud de la France ; après avoir envisagé le suicide, s’est reconstruit en devenant écrivain et donnant de l’espoir dans les heures les plus sombres jusqu’à l’âge, à deux jours près, de 94 ans.
Plusieurs personnes mettent en doute l’intégrale véracité de ses propos et écrits sur sa vie, mais on ne peut réfuter qu’il a rencontré plus de chauffards que la moyenne, y compris pendant la Seconde Guerre mondiale.

Lors de cette rencontre, j’ai su que je serai heureux toute ma vie, car il était impossible que je rencontrasse autant de chauffards et d’épreuves que lui, et qu’aucun de ceux que je rencontrerais seraient aussi dévastateurs que les siens, aucune épreuve pourrait être aussi dévastatrice que celles qu’il a traversé. Il m’a livré sa pensée : un moral d’acier..

J’ai rencontré plus d’une dizaine de chauffards depuis ; il m’en reste quelques rides, quelques cicatrices, et un immense plaisir : celui d’avoir appris que l’avenir réserve toujours bien plus de rencontres positives que de rencontres « chauffardesques ». Ils ne sont rien qu’un aléa, il convient de les laisser pour ce qu’ils sont : des chauffards.

Ne les laissez pas ronger votre avenir. … .

Bien cordialement vôtre,
Gérard-Dominique CARTON

Gérard-Dominique Carton- La lettre du GCCG © janvier 2023-II