Du courage managérial

Le courage est d’abord un concept. Ce qui est du courage pour certains est de l’intrépidité (affronter le danger sans peur) pour d’autres et parfois de la témérité (dont la hardiesse expose à des dangers).

Le concept se traduit en comportements selon les situations et les interlocuteurs.

Il est régulièrement confondu avec l’assertivité, capacité à exprimer ce que l’on pense, ce que l’on souhaite et ne veut pas, à s’affirmer sans agressivité.

Se taire, tourner autour du pot lorsque l’on n’ose pas dire quelque chose, garder son opinion pour soi est avant tout un manque d’assertivité, plus qu’un manque de courage. Le manque d’assertivité prend sa source dans l’éducation et la culture.

La culture et l’éducation anglo-saxonnes encouragent l’assertivité. La culture et l’éducation française encouragent la circonspection et découragent l’assertivité. Ce faisant, elle fait régulièrement verser les français dans l’agressivité, lorsque la circonspection n’est plus de mise, que les frustrations deviennent trop lourdes et que l’ego ressort.

Il est bien connu que l’agressivité est une expression de peurs. Être agressif n’est pas être courageux. C’est laisser aller sa colère, ce qui est très différent.

Qu’est-ce qu’être courageux, en management ?

Paradoxalement, il est plus fréquent d’entendre parler d’absence ou manque de courage, que de courage lui-même.

Peut-on qualifier le courage à partir de son absence ? Certes non. Mais la circonspection interdit d’utiliser les mots idoines : lâcheté, poltronnerie, faiblesse, paresse, couardise et, en vieux français, pagnoterie.

Qualifier une ou des personnes de « lâches » , « poltrons » , « faibles » , « paresseux » « couards » serait outrageant et désobligeant.

Toutefois, n’y-a-t-il pas complaisance à parler d’absence de courage au lieu de ce que cela recouvre ? Ceci nous amène aux notions de gradualité et progressivité du courage. Le courage élémentaire est très éloigné de l’héroïsme. Le courage est défini comme la force de caractère devant le danger (réel ou supposé), la souffrance (physique ou morale). Il suppose décision, action, confrontation, ardeur, énergie, volonté et parfois zèle.

Être courageux est indissociable de la notion de situation. Les situations difficiles révèlent les leaders et les héros. En réalité il n’y a pas besoin d’être courageux dans la plupart des situations courantes. Se lever le matin pour aller travailler ne demande pas de courage particulier, ou plus exactement, ceux qui pensent faire acte de courage en se levant pour aller travailler risquent d’avoir épuisé leur stock de courage avant même d’arriver sur leur lieu de travail…

La notion d’enjeux. Les enjeux sont une clé fondamentale. Les enjeux sont toujours composites : Enjeux personnels, enjeux collectifs, enjeux relationnels, enjeux financiers, enjeux sociaux, enjeux sur l’avenir, enjeux éthiques, enjeux juridiques… Il arrive de les sous-évaluer ou surévaluer. Par exemple la notion de « principe » est souvent surévaluée ou sous-évaluée.

Plus les enjeux sont importants et les risques grands, plus il faut de courage pour se positionner clairement et fermement. Toutefois, de faibles enjeux avec de faibles risques peuvent être un test de courage. Il est même évident que de ne pas décider ou agir dans ces circonstances relève de la lâcheté plus que de l’absence de courage.

La conscience des enjeux commande de prendre un risque. L’évaluation d’un risque est au départ intuitive et subjective. Elle peut ensuite être analytique et factuelle. Parmi les risques les plus « ordinaires » , se trouvent celui de déplaire, d’offenser, d’être jugé négativement, qui peuvent évoluer vers la confrontation, le conflit, les représailles, la rupture.

Le courage est indissociable de la peur : Tout humain peut ressentir des peurs à tout moment. Ce dont on a peur est ce qui peut détruire ou renforcer notre courage selon l’attitude que l’on adopte face à ces peurs. Connaître ses peurs revient à connaître son potentiel de courage.

Maîtriser ses peurs, s’en débarrasser est le fondement du courage. Les attitudes humaines de base, en environnement apeurant, sont de trois ordres :

1. La fuite (prendre son courage à deux pieds)

2. L’indifférence (regarder ailleurs)

3. Le combat (faire face)

La réflexion stratégique volontaire permet de faire son choix d’attitude en toute conscience.

Être courageux est relatif. La norme du courage varie d’un pays à l’autre, d’une situation à l’autre, d’un entourage à l’autre.

Être courageux est une décision, être pusillanime aussi : Chacun décide pour soi de son niveau de courage, dans chaque situation, devant chaque interlocuteur, en fonction de ses valeurs, de ses ambitions et de sa volonté de les réaliser.

Le courage managérial est avant tout moral et consiste à adopter une éthique, décider en fonction de cette éthique, quelles que soient les situations, les relations et les situations. Cela fait affronter les difficultés, prendre les risques, décider, agir et assumer.

Le courage s’apprend, dès l’enfance et tout au long de la vie : au début il y a le courage physique, puis vient l’âge du courage moral. Avec l’apprentissage du courage se développe celui de la résilience, cette capacité à être et rester motivé dans l’adversité, la difficulté, les épreuves de la vie.

La synthèse « courage-résilience » fait une vie qui a du sens, toujours moins facile que celle de ceux qui choisissent d’écouter leurs peurs et de ne prendre aucun risque.

En dernier lieu, le courage est aussi fonction de l’importance et de la nature des plaisirs que l’on recherche. Avoir le courage de choisir des plaisirs sains et de se refuser les plaisirs « faciles » .

Je vous souhaite une année courageuse.

Bien cordialement vôtre,
Gerard-Dominique Carton