Publié dans La Lettre du GCCG - Changement
Comment assurément faire échouer un changement…
Il arrive que l’on m’appelle lorsqu’une transformation ou un changement « se passe mal » et souvent « de mal en pis »… Chaque correctif apporté crée de nouveaux problèmes et cela généralement « parce que la solution est le problème »…mais on croit bien faire, et pense qu’en changeant son fusil d’épaule la situation s’améliorera… On ne remet pas un changement sur les rails de la réussite en changeant le fusil d’épaule… il faut se débarrasser du fusil.
Mais pour celles et ceux qui veulent absolument dicter le changement et le faire comme ils l’ont pensé, oubliant qu’un changement ne ressemble jamais à l’idée que l’on s’en faisait lorsqu’on l’a conçu, voici la recette permettant d’échouer avec éclat.
Elle tient en l’application de 10 principes :
1- Se concentrer sur les process et l’organisation et surtout ne pas prendre en compte les aspects humains.. « On n’est pas là pour écouter les états d’âme », « je sais ce que je fais et ce que j’ai à faire ». La psychologie est de la tarte à la crème et de la soupe de consultants... Ce n'est pas de la psychologie qu'il faut pour manager, c'est de l'autorité.
2- Effet pygmalion négatif.
Se convaincre que la plupart des managers et des collaborateurs sont incompétents, voire des « brêles », le dire et le faire savoir. En cela, conjuguer ses tendances à la sophomanie (se croire plus intelligent que tout le monde), et l’effet Dunning Kruger par lequel on a une prédisposition à se trouver plus compétent qu’on ne l’est en réalité. En outre, il est démontré que plus on prend les gens pour des imbéciles, plus ils ont une inclination à se conduire comme tels.
3- Instaurer un contexte de peur et de méfiance. Pour cela prendre régulièrement des décisions contradictoires, prendre les gens à contre-pieds, pratiquer par injonctions paradoxales, blâmer en public et encourager, si on doit le faire, en privé ; développer le culte de la « vérité du moment », ce qui était vrai hier peut être faux aujourd’hui. En outre, lorsque l’une ou l’autre de nos décisions se révèle être une erreur ou en génère, blâmer ceux qui l’on appliquée, et au besoin féliciter ceux qui l’ont ignorée. Se souvenir qu’un chef ne fait jamais d’erreur et donc si la décision du chef produit une catastrophe, c’est non pas la décision qui était mauvaise, c’est son application qui a été mal faite. Être craint est la meilleure approche pour être obéi...
4- Blâmer le management intermédiaire. . C’est une valeur sûre. Se persuader et faire savoir que le management intermédiaire est la source de tous les problèmes. Il est « nul en management », « manque de courage et d’engagement », comprend tout de travers, et toujours est laxiste avec ses collaborateurs.
5- Propagande et la langue de bois. : Favoriser les stéréotypes et les croyances négatives. Les femmes ne savent pas manager et ne devraient pas avoir de responsabilités importantes. Les salariés ne s’intéressent qu’à leurs salaires et leurs avantages sociaux. Les syndicalistes sont des planqués irresponsables. Les directeurs du dessus sont incompétents, ceux du dessous sont nuls. On ne fait pas l’omelette sans casser les œufs…les gens refusent de changer, toujours, et les résistances au changement sont l’indication du refus de « sortir de sa zone de confort »
6- Le dirigisme absolu. : Imposer le changement sans discussion. Ne jamais négocier ni la destination ni l’itinéraire. Si on laisse les managers et pire, les collaborateurs discuter le changement, on perd du temps. Pour que tout aille bien, il suffit que les gens obéissent.
7- Forcer la mise en œuvre dans des délais très courts et réduire les budgets.. Les gens exagèrent toujours le temps qu’il faut pour les mises en œuvre, veulent toujours plus d’effectifs, manquent de créativité, ne savent pas innover. En conséquence il faut imposer des délais courts et des budgets réduits. Ceux qui estiment n’avoir pas suffisamment de moyens sont avant tout de mauvais gestionnaires sacrifiant au culte de la facilité. Ceux qui estiment n’avoir pas suffisamment de temps à disposition sont des procrastinateurs et des fainéants.
8- Réduire l’autonomie des personnes concernées. et blâmer les gens pour les erreurs qui se produisent autant que pour leur manque d’initiative. Ça marche. Moins les gens ont d’autonomie, moins ils prennent d’initiatives, et on peut donc le leur reprocher vertement. Moins ils peuvent ajuster les décisions ou « procédures » sur le terrain, plus il se produit d’incidents clients. Là aussi on a un boulevard pour faire des reproches « justifiés »
9- Promouvoir les incompétents, et recruter des potiches. . Un must. En plaçant les incompétents dans des positions stratégiques et des positions opérationnelles clés, on peut être sûr d’aller vers le désastre. Cela écœure les compétents, ils « quittent », et cela créé des opportunités de recruter des potiches qui feront comme on leur dit, quand on leur dit et pourront nous renforcer dans notre opinion négative des gens compétents.
10- Communiquer au minimum, jamais par écrit.. Les gens ne lisent pas, c’est bien connu, il ne sert donc à rien de consacrer du temps à l’information et la communication surtout écrite. Il suffit de faire des réunions dans lesquelles on arrive en retard, parce qu’on est très occupé, et on prend la parole pour « dicter » et au besoin « blâmer » (on peut ajouter un zest de sarcasme), et on part avant la fin, parce qu’on est très occupé et que l’on a de lourdes responsabilités.
La bonne nouvelle, pour les pilotes qui souhaitent faire échouer un changement en en rendant les autres responsables, est qu’il suffit d’appliquer un quart de ces principes pour assurer la débâcle. Point n’est besoin de les appliquer tous avec constance. Toutefois, en décidant de tous les appliquer on peut être certain du résultat en peu de temps.
En revanche, n'en appliquer aucun augure de changements réussis...
En vous souhaitant une agréable reprise,
Bien cordialement,
Gérard-D Carton.
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