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Jugements

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Publié dans La Lettre du GCCG - Divers

La nature a horreur du vide. Notre cerveau aussi.

Lorsqu’il nous manque une information, nous créons des hypothèses pour combler les vides. Le biais de confirmation nous fait alors privilégier les informations qui servent nos hypothèses, sur celles qui les contrediraient.

Les petites et grandes absurdités naissent de ce phénomène. Ceux qui ont vécu l’expérience du retournement d’une personne ou d’un groupe qu’ils croyaient être d’indéfectibles alliés, lorsqu’ils ont cessé de s’en émouvoir, le réalisent.

Un exemple historique largement documenté est l’Affaire Dreyfus. Cet officier de l’armée française a été soupçonné de haute trahison sur la base d’une lettre dont l’écriture ressemblait à la sienne, retrouvée dans une corbeille à papier. Il était aussi le seul officier juif de l’état-major. Cette singularité lui a valu d’être jugé, condamné, dégradé et emprisonné. Il lui aura fallu plus de dix ans pour faire reconnaître son innocence. La France s’est divisée passionnément autour de son cas. Il est aujourd’hui su et reconnu que les responsables de l’armée et les responsables politiques ont été sous l’emprise du biais de confirmation. La plus belle illustration est l’interprétation des résultats des perquisitions menées dans l’entourage de Dreyfus, à son domicile, son bureau. Rien de compromettant n’ayant été trouvé, aucun document susceptible d’accréditer la thèse de sa trahison n’ayant été repéré, il en a été conclu que Dreyfus était non seulement un espion, mais surtout un espion d’élite puisqu’il n’avait laissé aucune trace de ses agissements.

« Dreyfus est un espion parce qu’il n’a laissé aucune évidence de son activité d’espionnage »… C’est énorme et cela a été officiellement retenu par le tribunal qui l’a jugé et condamné.

Le biais de confirmation n’a pas de limites.

La jalousie, dans toute son absurdité, donne la dimension des dangers de ce biais, tant en milieu professionnel que personnel. Les jaloux, comme pour Dreyfus, voient dans l’absence de preuve ou d’éléments compromettants, la preuve de la forfaiture. Ainsi naissent les rumeurs « promotion canapé », et autres explications fumeuses sur les réussites professionnelles.

Le biais de confirmation est fréquent, et sévit même lorsque les hypothèses sont farfelues. Il est d’autant plus actif que les hypothèses sont négatives. Les paranoïaques en sont les exemples les plus évidents.

Les petites et grandes trahisons y trouvent leur source selon un schéma classique. Un mot, une phrase, une situation, un changement génèrent un doute. Ce doute génère à son tour une ou des peurs. Celles-ci forcent trois attitudes possibles : La fuite, l’indifférence, la défense/attaque.

L’indifférence dure jusqu’à ce que de nouveaux éléments viennent la transformer. La fuite se matérialise par la rupture de la relation ; la défense ou l’attaque par une attitude offensive et des comportements agressifs.

La seule façon d’échapper au biais de confirmation est de faire une analyse objective de situation, et de s’attacher à vérifier l’hypothèse de départ. Peu de personnes en sont capables, car les hypothèses sont le fruit d’un ressenti, il est sincère, et beaucoup amalgament sincérité et vérité.

Dans les situations où naissent des doutes, la nature humaine privilégie les hypothèses négatives.

La capacité de certains à émettre des hypothèses positives plutôt que négatives est une force considérable et un atout de succès.

A contrario, la multiplication des hypothèses négatives conduit aux conflits, aux échecs, aux mésententes selon une routine ancestrale.

La qualité de la communication est au coeur de la réduction des risques d’émergence du biais de confirmation. Elle est subordonnée à la qualité de la relation entre les personnes concernées. Le risque d’émergence du biais de confirmation est augmenté lorsque la relation est distendue ou négative, quels que soient les « efforts » faits en communication.

Lorsque la relation est dégradée (fréquence faible, virtualisation excessive), la qualité de la communication se détériore, le risque d’émergence du biais de confirmation s’amplifie.

C’est ainsi que dans les Entreprises, les associations, mais aussi la vie publique, apparaissent les désaccords et conflits nés d’interprétations prises pour des faits.

Le proverbe « Celui qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », donne une autre dimension du biais de confirmation. Il arrive que les hypothèses négatives soient construites sciemment, avec intention de nuire ou de casser la relation pour des raisons souvent dictées par l’intérêt personnel. Dans ce cas, le mécanisme s’alimente selon un schéma paranoïde consistant non seulement à privilégier les éléments pouvant servir l’hypothèse, mais aussi à les créer de toute pièce. Ainsi un silence devient une preuve d’indifférence ou d’hypocrisie voire de malveillance. Un sourire devient une tentative de manipulation ; une question devient une agression…

L’observation expérimentale montre que plus les hypothèses sont absurdes plus il y a de chances statistiques pour qu’elles soient crues. La nature humaine est fascinée par la magie et l’irrationnel.

Ce que l’on ne sait pas ne peut être compris autrement qu’en figurant une information qui pour aussi étrange qu’elle soit, rassure en donnant une explication.

Ceci pose de façon évidente la question de la confiance, et probablement donne une piste de réduction du biais de confirmation. Moins on vous fait confiance, plus l’apparition de biais de confirmation est probable. Faire confiance est avant tout la capacité à émettre « aussi » des hypothèses positives dans la recherche de compréhension des comportements et postures de notre entourage.

Se souvenir de Dreyfus. Le biais de confirmation est toujours générateur de jugements injustes. Il est à la base du racisme, de l’ostracisme, et de toutes formes de ségrégation.

La meilleure approche pour éliminer le biais de confirmation est la lucidité alliée à la rigueur de raisonnement. Elle commence avec cette question que l’on peut se poser après avoir formé une hypothèse sur quelqu’un ou une situation « Et si j’avais tort ? Quels éléments viennent ou pourraient, infirmer mon hypothèse ? »…

Un dernier mot : Les stéréotypes et clichés confortent les hypothèses négatives et sont indissociables du biais de confirmation.

Bonne reprise

Très cordialement
Gdc

Lettre du GCCG - septembre 2016 : Jugement