Publié dans La Lettre du GCCG - Connaissances utiles - Stratégies managériales
Les travaux de MCGREGOR ont été perdus de vue. C’était en 1960. Un autre siècle…
Il prédit avec clairvoyance l’avenir du monde des Entreprises, à partir d’un constat simple : Les croyances et « philosophies » des dirigeants concernant les « collaborateurs » influencent au plus haut point l’organisation et la culture de leurs entreprises.
Il établi deux typologies de base, qu’il dénomme « X » , et « Y » .
Les dirigeants et managers des entreprises « X » pensent que pour la plupart des gens, travailler est une contrainte, qu’ils ont donc besoin d’être « encadrés » , contrôlés ; que ce qui intéresse les salariés au premier chef est leur salaire, la sécurité de leur emploi, leurs avantages ; qu’ils n’aiment pas les responsabilités, sont peu capables d’innovation, de créativité ; que les tâches doivent être divisées, organisées en process. Ils sont convaincus qu’il faut « manager la performance » , la « productivité » , et qu’il faut pour cela avoir des indicateurs chiffrés, détaillés, précis, qu’il faut sanctionner les manquements aux règles, aux objectifs. Ils pensent qu’il faut de l’autorité, de la discipline, mesurer la performance au plus près, et sanctionner lorsqu’elle est faible (ou inférieure à la moyenne).
Les dirigeants et managers des entreprises « Y » , pensent que les gens aiment travailler, aiment progresser, apprendre, qu’ils sont capables du meilleur dans un environnement porteur et confiant. Ils croient que les collaborateurs aiment faire de leur mieux, aiment se sentir responsables, et, responsabilisés, sont capables d’initiatives intelligentes, sensées, utiles, et d’autocontrôle. Ils sont donc convaincus que la performance est liée à l’autonomie, ne voient pas la nécessité de multiplier les contrôles, les sanctions, la hiérarchie et par-dessus tout que le leadership des managers est un atout plus fort et efficace que leur autorité.
La réalité des Entreprises est mitigée.
Beaucoup de managers ont un discours « Y » , sur l’humain et des pratiques « X » dans l’exercice de leurs fonctions. Cela créé des dysfonctionnements (dues au décalage entre le discours et les actes), et bien sûr de la méfiance.
Il y a aussi des collaborateurs « X » , convaincus que les managers sont avant tout des exploiteurs cyniques aux ordres de dirigeants seulement intéressés par la finance, les marges, et la productivité.
Lorsque des collaborateurs « X » travaillent dans des entreprises « X » , le quotidien leur donne raison.
Remise dans le contexte moderne des Entreprises, la théorie de McGregor permet d’éclairer les difficultés du management et certains grands sujets d’actualité, par exemple :
Les Risques psychosociaux, avec leur train de souffrance au travail. Tout collaborateur consciencieux, motivé, aimant son travail, souhaitant développer ses compétences, et contribuer à la réussite de l’entreprise n’a aucune chance de prospérer dans un environnement « X » . Les entreprises et organisation « X » génèrent des RPS et de la souffrance au travail en réduisant l’autonomie des collaborateurs, les « encadrant » et « contrôlant » de près, les dirigeant avec autorité, en mettant en place des process contraignants (et parfois très lourds). Ces Entreprises et organisations finissent par s’empêtrer dans des signalements pour harcèlement, se raidissent sur leurs positions de méfiance vis-à-vis des collaborateurs, et s’entourent de plus de précautions visant à « être irréprochables » au plan juridique, donc plus de process, plus de contrôles, plus de contraintes, surtout pour les managers, qui finissent par ne plus savoir ce que l’on attend d’eux à part « ne pas faire de vagues » , à force d’injonctions paradoxales. (Obtenez du rendement, de la performance, sans insatisfaction ou souffrance de vos collaborateurs).
Les Entreprises « X » , mettent en place des programmes pour réduire l’absentéisme, augmenter la motivation, équipent leurs managers de « boites à outils » qui s’alourdissent au fil des ans, invitent à l’écoute (pas à l’entente), et gardent les yeux fixés sur les indicateurs chiffrés de performance. Elles promeuvent l’entretien annuel d’appréciation des performances, fixent même parfois des quotas (par exemple pas plus de 10% ou 15% de « très bons » ), et des règles de traitement des sous-performers conduisant le plus souvent à des licenciements.
Les Entreprises « X » sont celles qui au moindre coup de vent ajustent les effectifs à la baisse, et de manière générale entretiennent la précarité de l’emploi, au nom de la règle de prudence.
Le entreprises « X » considèrent que la théorie « Y » du management est marquée d’angélisme, et se rapproche du monde des Bisounours.
Par un hasard que je ne sais expliquer, elles recrutent en priorité des collaborateurs eux-mêmes convaincus du bien-fondé de la théorie « X » , qui élisent des représentants partageant cette vision négative et pessimiste du monde du travail, et sont donc avant tout porteurs de revendications, et révélateurs de situations difficiles. Lorsqu‘elles recrutent des collaborateurs « Y » , ils souffrent rapidement et soit parviennent à créer une « bulle Y », soit ils se résignent et perdent leur âme.
La « bulle Y » est un service, une unité de travail, un département, une Direction parfois, dans laquelle les relations avec les personnes sont empreintes de confiance, de respect mutuel, et de coopération intelligente. Il y règne une certaine bienveillance, de la solidarité entre collègues, de l’entraide, et un allègement des contraintes de type « X » .
Bien sûr les « bulles Y » restent soumises à la culture « X » prédominante, et donc enregistrent quelques dysfonctionnements.
Les entreprises « X » , mettent aussi en place des formations à l’innovation, la créativité, car leurs dirigeants ne comprennent pas qu’en coupant les ailes de l’autonomie, on « castre » l’innovation.
L’entreprise « Y » fait le choix de la dimension humaine de son organisation, elle recrute des collaborateurs qui croient en eux, en leur valeur ajoutée, en leur avenir. Elle réduit les « process » , les contraintes, les directives, les ordres, le commandement, les obligations, à minima. Les objectifs sont fixés avec les collaborateurs, les moyens sont proportionnés, la performance est analysée dans sa dimension collective, on s’entend, on se comprend, les ambitions sont saines, l’humilité est une valeur, le bon sens aussi. On n’y règle pas les problèmes avec des « procédures », des « process », la recherche des coupables, des sanctions.
Les managers, dans l’entreprise Y créent et entretiennent une ambiance de travail sereine, s’attachent à développer les compétences de leurs collaborateurs, transmettent leur enthousiasme pour une réussite collective. Ceci n’est pas la réalité de beaucoup d’entreprises ou organisations, car beaucoup fonctionnent en modèle « X » , aggravé par un discours « Y » . Les croyances des dirigeants « X » perdurent, elles sont entretenues par les faits divers du quotidien des entreprises et organisations. Celles des dirigeants « Y » ne pourront prévaloir qu’en étant enseignées dans les écoles de commerce, pour commencer, en bénéficiant d’une médiatisation sérieuse et surtout en étant affirmées avec plus de force, notamment dans les grandes entreprises et organisations.
Cordialement vôtre,
Gdc