Groupe Gérard Carton
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Changement & Décisions

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Publié dans La Lettre du GCCG

Le changement est source d’inquiétude, le plus souvent, car il fait appel à notre « jugement », et à notre système de décision.

En 1738, Daniel BERNOULLI proposait à la réflexion de ses contemporains son fameux paradoxe de Saint‐Pétersbourg, et en donnait la solution à travers une formule : Cette formule peut se « résumer » comme suit : La valeur estimée d’une décision est la résultante de la multiplication des chances de succès par la valeur des gains en résultant.

Si l’on vous propose de participer à « pile ou face », pour la somme de 4€, selon une règle simple : vous recevrez 10 euros si la pièce tombe sur face, et zéro euro si elle tombe sur pile, que devriez‐vous faire ? En réfléchissant, et en faisant appel à votre expérience, il est très possible que vous refusiez de jouer….

En analysant la situation avec la formule de Bernoulli, vous devriez jouer, car les probabilités de gains sont de ½, et la valeur des gains de 10 euros, soit, en multipliant les deux une valeur globale de 5 euros, supérieure à la mise initiale.

Vous serez donc gagnant à terme.

En fait, nous sommes généralement plutôt mauvais pour déterminer les probabilités et encore plus mauvais pour identifier la valeur future des gains….

Pourquoi ? Parce que nous nous fondons généralement sur notre expérience, nos connaissances, et les situations passées….

L’exemple du « sandwich crudités » : Si je vous demande ce que vous êtes prêt à payer pour un sandwich crudité, et que sans attendre votre réponse, je vous le propose au prix de 30 euros, vous serez probablement tenté de considérer que le prix est exorbitant, ridiculement élevé et inacceptable….

Si d’ici quelques jours, vous prenez un vol pour l’Australie, en « low‐cost », qu’une fois à bord vous réalisez qu’il n’y aura aucune nourriture de servie, et que votre voisin de fauteuil sort d’un sac propret, le fameux sandwich, et que vous avez vingt deux heures de vol à « subir », il est infiniment probable que la somme de trente euros, bien que toujours excessive, vous apparaisse comme « payable » pour obtenir ce sandwich.

Une fois que vous aurez eu cette expérience, si l’on vous pose la question de nouveau sur la valeur du sandwich, vous saurez qu’elle dépend non seulement du sandwich, mais de l’environnement et de la situation « future »….

Dans l’appréciation de changements proposés, nous sommes très régulièrement influencés par nos émotions, et très peu par les probabilités mathématiques et la formule de Bernoulli.

L’exemple des gains futurs : 1.

Lorsque l’on pose la question a 100 personnes au hasard « Si l’on propose de vous donner 100€ de suite ou 120€ dans un mois, que préférez‐vous ? », une majorité de personnes préfère recevoir 100€ de suite que 20€ de plus « plus tard »….

Ces mêmes personnes se voient poser (après avoir été « diverties » pendant un moment), la question suivante : « « Si l’on propose de vous donner 100€ dans 12 mois ou 120€ dans 13 mois, que préférez‐vous ? », la majorité choisit 120€.

Parce qu’attendre 30 jours après avoir attendu 12 mois, est perçu comme « supportable »… Et pourtant c’est la même durée, mais dans le second cas l’on aura une « patience forcée » de 12 mois, alors un de plus un de moins….

2.

Si vous souhaitez acquérir un téléphone portable, que le magasin à côté de chez vous le propose pour 200€, et qu’un magasin de l’autre côté de la ville le propose pour 100€, faites vous l’effort de vous rendre dans le second magasin pour économiser 100€ ? Ici encore une majorité de personne répond « oui »….

S’il s’agit de l’achat d’une voiture à 30.000€, et que là encore près de chez vous elle est vendue 30.100€, et de l’autre côté de la ville 30.000€, traverserez vous toute la ville pour économiser 100€ ? Une majorité de personnes répond « non »… Et pourtant la somme est la même… Mais nous relativisons par la valeur globale estimée du montant économisé en relation avec l’investissement, alors que 100€ sont 100€, et que cela est immuable… L’influence des connaissances et des médias : Il a été demandé à un groupe de cent personnes, combien, selon elles, de personnes étaient décédées, en 2008, des causes suivantes : • Asthme • Noyade • Incendie • Prise de risques (Cascades, paris stupides…) Les deux premiers facteurs sont toujours « sous‐estimés », les deux derniers toujours surestimés.

Pourquoi ? Parce que l’on ne lit pas au quotidien, que des personnes sont mortes d’une crise d’asthme, et que les noyades sont mentionnées dans la presse le plus souvent lorsqu’il s’agit d’enfants, alors que les deux derniers motifs font les gros titres lorsqu’ils se produisent….

Notre cerveau s’en souvient….

Un petit test démontrant notre incapacité à utiliser la formule de Bernoulli est le suivant, (et l’on pensera aux fluctuations du marché immobilier…) : Un voyage au prix de 2000€ est « discounté » à 1600€, êtes vous intéressé ? Une majorité de personnes disent oui.

Ce même voyage (2000€) est proposé à 700€, vous réfléchissez quelques jours, revenez vers l’agent de voyage qui vous indique que cette promotion est terminée, mais que vous pouvez l’acquérir pour 1500€, le prenez vous ? Une majorité, ici encore, répond « non ».

On ne va pas acheter 1500€ quelque chose qui « valait « 700€ la semaine précédente.

De la même façon, au moment de changements, notre évaluation est fondée sur nos expériences passées, ce que l’on a entendu dire de changements analogues ou comparables, et nous sommes peu enclins à les analyser en fonction de ce qu’ils feront dans le futur mais plutôt en fonction de ce qu’ils amènent comme désagrément dans le présent.

« Un tien vaut mieux que deux tu l’auras », est une absurdité économique pourtant fortement ancrée dans les mentalités….

« Il vaut mieux tenir que courir » est plus rassurant que « souffrir aujourd’hui pour un meilleur monde futur »….

La nature humaine tend à généralement sous‐estimer la valeur future et surestimer la valeur présente.

Les bâtisseurs de l’avenir font l’inverse.

Pourquoi ne sommes nous plus capables, comme l’ont fait nombre de nos ancêtres de miser plus sur le futur et moins sur le présent ? Parce que nous avons atteint un niveau de « confort » largement supérieur à celui du passé.

Mais une observation s’impose.

Nous avons ce confort aujourd’hui parce que nos prédécesseur l’ont voulu, que réservons‐nous à nos successeurs? Le changement est indissociable de la valeur future qu’il génère ; Bernoulli nous a fait un immense cadeau, en 1734, il serait temps d’en profiter…..

Apprenons à notre cerveau à réfléchir en prenant en compte tous les paramètres, apprenons la patience sans laquelle on ne peut correctement évaluer la valeur future, et le changement devient alors un allié de notre progrès.

Les problèmes d’aujourd’hui sont le fruit des décisions d’hier, prenons aujourd’hui les décisions qui pour aussi difficiles qu’elles soient, seront les solutions de demain.

Cordialement, Gérard Carton