Groupe Gérard Carton
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Comment lire un tract syndical ?

Le Groupe Gérard Carton vous propose tous types de lectures, longues ou brèves, souvent teintées d'humour mais toujours sérieuses...

Les tracts syndicaux obéissent à des règles littéraires précises. Les plus réussis comportent nécessairement trois ingrédients. Rappelons qu’à la base, un tract réussi est celui qui satisfait son auteur. Le tract est généralement limité à une page, en recto / verso. La contrainte de place ne va pas jusqu’à imposer une synthèse. D’autant, que la clé du tract, ce sont les formules « choc ». Ce qui doit rester imprimé dans l’esprit des lecteurs.

Ingrédient 1: Il doit y avoir une forme d’humour sarcastique aux dépens de ceux qu’il attaque.
Ingrédient 2 : Le tract doit être désobligeant et personnalisé. La personnalisation désigne « l’ennemi » et ses acolytes.
Ingrédient 3 : Le tract doit être un modèle d’application des stratagèmes dialectiques décrits par Schopenhauer dans son petit ouvrage « L’art d’avoir toujours raison ».

Parmi les plus utilisés :
- Créer le doute sur les intentions des personnes visées et démolir toute tentative constructive.
- Générer la confusion sur ce qui est dit / annoncé / proposé, et l’assimiler, le comparer à une démarche intentionnellement manipulatrice ou malveillante.
- Utiliser un vocabulaire dénaturant un concept, ou bien rendre un argument suspect de pouvoir être rangé dans une catégorie peu appréciée. Ici la seconde loi de Godwin, selon laquelle toute approche dialectique amène rapidement des comparaisons avec le totalitarisme absolu joue à fond.
- L’alternative du pire, selon laquelle on met sous forme d’alternative la proposition que l’on veut faire accepter, en colorant un des termes de l’alternative de sorte que cette proposition paraisse acceptable ou meilleure.
- La mauvaise foi par laquelle toute information, toutes données sont extrapolées, déformées, montées en épingle.
- L’agression, dans laquelle sont faits des sous-entendus, mais aussi, sont écrites des contre-vérités avec des mots colorés.
La stratégie du tract dévastateur est courante. Après tout, le Syndicalisme est une forme de révolte et d’indignation permanente. Pour prospérer, le tract doit à la fois générer de la peur chez les dirigeants et leurs représentants, et un mix de peur et de sympathie chez les collaborateurs. Le management a une bonne idée ? Elle est forcément mauvaise.

Voici quelques prémisses :
- Le management est indigne de confiance. Tout ce qu’il veut, propose et fait est contraire aux intérêts des salariés.
- Le management est manipulateur. Il veut faire prendre des vessies pour des lanternes.
- Le management est inféodé aux actionnaires. L’intérêt de ces derniers est opposé à celui des salariés.
Les salariés contents de leur sort sont des bœufs. Par définition, salarié doit rimer avec exploité. Ça ne rime pas naturellement, mais on fait comme si…

Et puis il y a le phrasé et les expressions et mots clés :
- Inacceptable, indécent, pour qualifier une proposition, un projet
- Pôle Emploi comme seule perspective
- Mascarade pour réunion ou négociation
- Supercherie pour toute proposition de concertation
- Et l’ensemble des synonymes de dégâts : avarie, casse, débâcle, dégradation, déprédation, désolation, destruction, détérioration, dévastation, dommage, méfait, perte, ravage, ruine, sabotage, et les plus familiers – bousillage, charcutage, grabuge.

Enfin, il y a la ponctuation.
Le point d’exclamation est le plus employé, suivi du point d’interrogation, ce qui est « britishement » du meilleur effet ! N’est-il-pas ? Le point-virgule est banni, la virgule est flottante et le point n’est jamais final. Tout tract à une suite…

Bien humoristiquement,

Gdc

Lettre du GCCG - Mai 2017