Du DON

Donner à une association, une œuvre, un mendiant, un ami, une personne dans le besoin… Donner du temps, de l’argent, du savoir, des conseils, de l’aide, un organe, des objets, des informations …:
En société comme en Entreprise, nombreux sont les « donneurs », les « receveurs » sont encore probablement plus nombreux du fait des dons à des collectifs.:
Le « don » obéit à des lois ancestrales et a des règles culturelles implicites et explicites.:.
Un stéréotype bien ancré veut que l’on n’attende rien en retour d’un don, autrement, quel qu’il soit, il ne serait ni « généreux » ni « désintéressé ». Seulement voilà, la plupart sinon la totalité des dons sont intéressés.:
Le don « pur » est rarissime, car il suppose qu’il n’y ait ni contrepartie, ni intérêt, ni mobile. Il n’y a aucune réciprocité, et c’est premièrement ce qui le rend si « rare », car culturellement, bien que ne soit voulue aucune contrepartie ou réciprocité, même minime, les receveurs la vaste majorité du temps imposent une contrepartie, à base de gratitude. En second lieu, la nécessité de l’absence de mobile rend le don pur improbable. :
Le don « gratuit » est plus « possible », car il est fait sans attendre de contrepartie, mais a un intérêt intrinsèque pour le donneur. En outre, il peut y avoir réciprocité, mais elle ne fait pas partie de la composante du don. L’intention fondamentale du donneur « gratuit » est de combler son besoin de donner..

Que ce soit pour gagner une place au Paradis, se faire ou se refaire une conscience, se faire pardonner, se faire aimer, apprécier, admirer, ou tout simplement pour « partager » dans un monde d’inégalités, ou réduire le malheur d’autrui, l’intention est plus ou moins noble, mais le geste est honorable.:
Deux autres catégories de don existent et sont parmi les plus fréquentes ::
Le don « relationnel ». fait pour générer une réciprocité et créer une dynamique relationnelle positive, avec souvent à la base un don « gratuit », mais visant une relation de réciprocité. C’est, par exemple, le voisin qui vient vous offrir un petit quelque chose alors que vous venez de vous installer dans le voisinage.
Le Don échange. opère dans la double ambivalence « liberté / contrainte » et « gratuité / intérêt », suppose un contre-don et l’intention du donneur est de créer une obligation de retour.:
C’est celui que l’on voit prospérer dans les organisations, les entreprises, dans la relation « employeur-salarié ».:
Quelques exemples pour illustrer ce qui précède ?:
Je suis payé pour faire un certain nombre d’heures de travail, arriver et partir à certaines heures. Mon travail ne peut parfois être terminé dans ce cadre horaire et parfois au contraire peut être terminé plus rapidement.. Le « don-échange » consiste alors à rester plus tard dans le premier cas et pouvoir partir plus tôt dans le second. :
Le « don-échange » est très courant, illustré par “scratch my back and I’ll scratch yours ”. aux USA, « petits services entre amis *. » ici…
seulement, lorsque le retour est estimé ne pas être à la hauteur du don initial, la dynamique se casse et la rancune se construit sur fond de sentiment d’ingratitude.:
La multitude des « don-échange » crée la multitude des ressentiments.. Le « don-échange » est toujours un effort, la loi de rendement décroissant de l’effort par laquelle les efforts constants sont de moins en moins reconnus par ceux qui en bénéficient, explique premièrement qu’ils diminuent / disparaissent, et secondement qu’ils constituent la base du ressentiment créée par la non-réciprocité. :
Le « don-échange » fonctionne sur un mode implicite. « *Je reste plus tard aujourd’hui = vous me laisserez partir plus tôt demain. ».:
Il conditionne en grande partie la qualité relationnelle… Je fais l’effort de vous saluer, j’attends que vous me rendiez ce salut. Je vous respecte, j’attends autant de respect en retour. Je travaille pour vous j’attends une rémunération correcte en retour. Je vous écoute lorsque vous me parlez de vos problèmes / difficultés, j’attends que vous fassiez de même…: *.
Le monde de la réciprocité est erratique du fait de sa subjectivité. *Je t’ai donné un œuf, tu me dois un bœuf. …la valeur que nous attribuons à nos « efforts/ dons » n’est pas nécessairement perçue à la même hauteur par ceux qui les reçoivent, cela d’autant qu’ils ne savent pas forcément ce qu’il nous en coûte et réciproquement le don en retour bénéficie de la même subjectivité.:
Regarder la part des « don-échange » dans une relation est une autre façon d’apprécier la qualité de cette dernière.:
*. Comprendre qu’un « don-échange » de notre part peut être perçu comme un « don-gratuit » par son bénéficiaire est tout aussi important. Pour éviter cette confusion, il conviendrait de se montrer « explicite » lors du « don-échange » … ce qui est culturellement « déplacé ». D’autant que c’était la pratique de Don Corleone… « *Je vous rends ce service aujourd’hui, et peut-être aurai-je besoin d’un service de votre part plus tard… *. » Et l’on sait comment il punissait « l’ingratitude », autre façon de nommer la non-réciprocité…:
En synthèse : :
o *Le « don-échange » est mille fois plus courant que le don gratuit bien que nombre des premiers soient présentés comme appartenant aux seconds.:.
o *Sachez quels dons vous faites, soyez plus explicites, dans tous les cas de dons, et convaincus que les dons purs sont du domaine du fantasme.: *.
o *C’est pourquoi lorsque vous recevez un don, il est préférable d’estimer qu’il mérite une réciprocité, et pour commencer, avec de la reconnaissance sincère et de la gratitude. Un mot a été créé pour cela : « Merci ». *. L’absence de ce mot-là dans la relation révèle implicitement la présence de l’autre mot de cinq lettres commençant par « M » et très fréquent dans le langage désinvolte.:
En vous souhaitant une agréable fin de mois…:
Merci d’avoir lu jusqu’ici, :.
Bien cordialement, :

Gérard-D Carton:
Source : Théorie du don et sociologie du monde du travail Norbert Alter Dans Revue du MAUSS 2002/2 (no 20):