Publié dans La Lettre du GCCG - Connaissances utiles
Le biais de croyance consiste en la formation d’hypothèses et la prise de décisions en fonction de ce que l’on désire et que l’on se plaît à imaginer au lieu de prendre en compte l’évidence, la rationalité et la réalité.
C’est le produit de l’effort pour résoudre un conflit entre ce que l’on souhaite et la réalité qui s’offre à nous. La logique d’un argument est alors biaisée par la croyance en la vérité ou la fausseté de la conclusion.
Christopher Booker décrit le biais de croyance comme un « cycle de fantasme» : Lorsque nous sommes dans une situation inconsciemment sous l’influence du biais de croyance, nous connaissons trois stades :
Le premier peut être appelé « étape rêve », dans laquelle les choses semblent aller comme on le souhaite, mais parce que la réalité est têtue, nous devons passer au second stade.
C’est « l’étape frustration » ; les choses commencent à aller mal, de travers, et demandent un plus gros effort pour nier la réalité.
Le troisième stade est l’étape « cauchemar », parce que la réalité s’impose de plus en plus, et la croyance est détruite.
À ce stade, la personne peut s’enfermer dans le biais de croyance et souffrir d’un profond sentiment d’injustice, si la situation dépend de quelqu’un d’autre, ou de « manque de chance », si la situation est générale.
Le biais de croyance émerge dans trois types de traitement cognitif.
La personne sélectionne des « indices » ou « signaux » qui viennent renforcer sa croyance, et ignore totalement les signaux inverses.
La personne accorde plus d’importance aux signaux qui renforcent sa croyance qu’à ceux qui l’infirment.
La personne répond à l’indice ou au signal de façon « biaisée », et génère alors une réaction en retour qui vient renforcer sa croyance de base.
Le biais de croyance apparaît de façon évidente dans le phénomène de la jalousie. La personne jalouse émet l’hypothèse que son conjoint la trompe. S’il offre des fleurs, ou un cadeau, cela est perçu comme un indice de culpabilité. S’il n’en offre pas, c’est perçu comme un indice de désintérêt.
Tous les actes et non-actes sont interprétés pour renforcer la croyance.
Si dans une scène de jalousie le conjoint tempère cela est lu comme une preuve, si au contraire il s’énerve ou se met en colère, c’est aussi une preuve.
Ce biais est constamment à la base de l’envenimement des conflits et désaccords. Une ou quelques impressions font naître une hypothèse ; la recherche « orientée » d’indices lui donne corps, et en dehors de toute rigueur logique, la personne concernée en dérive des désirs ou souhaits, construit son « fantasme », et l’alimente d’indices édifiés par sa croyance installée.
Le plus terrible est que ce biais génère au départ des émotions plaisantes, le fantasme est toujours source de satisfaction au départ ; émotions qui rapidement deviennent négatives lorsque la confrontation avec la réalité remet en question la validité de l’hypothèse. L’irritation devient vite exaspération puis colère, avec pour peur de base celle d’avoir tort.
Personne n’aime avoir tort, surtout lorsque cela remet fortement en cause l’image de soi.
Othello sommeille en beaucoup de personnes, et dans la vie professionnelle nombreuses sont les occasions d’émergence du biais de croyance ; les dégâts peuvent alors être considérables.
Au plan relationnel, sur le plan du travail d’équipe, au plan interservices, rien de tel que des croyances négatives quant à l’interprétation des intentions d’autrui. Cela crée un enchaînement de réactions conduisant aux conflits.
Le biais de croyance, se dit en anglais, « wishful thinking », et traduit en langage courant signifie littéralement, « prendre ses désirs pour des réalités ». La démarche est courante, et c’est probablement le biais psychologique le plus fréquent, dans la mesure où très peu de personnes échappent à la tendance à la confirmation, autre biais par lequel on s’abstient de vérifier méthodiquement une hypothèse et l’on n’en recherche que la validation.
La combinaison de ces deux biais est à l’origine de nombreux dysfonctionnements dans les relations interpersonnelles. La sagesse consiste à sérieusement remettre en cause ses hypothèses, mais la plupart des gens en sont incapables, car lorsque les émotions brouillent les cartes, les ego font le reste, l’intelligence se retire, l’éristique domine et il devient alors extrêmement difficile d’avoir une réflexion saine et un dialogue constructif.
La prochaine fois que vous croiserez une personne souffrant de ce biais, souvenez- vous de ceci :
Lorsque vous lui direz qu’elle se trompe dans l’analyse de la situation, elle ne vous croira pas. Elle remettra en cause votre sincérité. Si elle ne le peut pas, elle s’indignera que vous ne compatissiez pas plus à sa souffrance, qu’elle exagérera, et vous dira combien vous devriez vous sentir coupable ou responsable de son état.
Le statut de victime est son atout majeur. Il suffit de se sentir victime pour l’être.
Cela entraîne nécessairement une compensation. Et c’est là que le « fantasme » devient évident.
Hélas, ne cherchez pas « raison », « éthique », « morale », «bienséance», car le biais de croyance les fait fuir de toutes discussions.
Très cordialement,
Gérard Dominique Carton