Publié dans La Lettre du GCCG - Leadership
La « nouvelle » génération de collaborateurs, de managers, de dirigeants est en train de transformer profondément les règles du succès des Entreprises.
Le changement fondamental porte sur un élément jusqu’à présent indissociable de la fonction d’encadrement: le contrôle. Il est désormais, dans les entreprises qui « marchent », remplacé par la confiance.
Les managers "à l’ancienne" vont avoir de plus en plus de mal à penser et remplir leur fonction s’ils restent guidés par le contrôle, et s’ils s’accrochent à l’idée selon laquelle la confiance se mérite (et donc qu’il faut attendre longtemps avant de l’accorder).
Le seul contrôle pertinent est le contrôle de soi.
L’axe de management essentiel pour les années à venir va être l’instauration de la confiance réciproque ; elle est génératrice d’estime, de progrès, d’innovations, de motivation, d’enthousiasme.
Il existe cinq stéréotypes propagés sur les « jeunes » qu’il convient de combattre, car ils sont les fondements de la résistance à la confiance et de la promotion anachronique du contrôle.
- 1/ Les jeunes ne respectent pas l’autorité.
Faux. Ils respectent l’autorité légitime, celle qui s’appuie sur les connaissances, l’expérience, mais ne se laissent pas impressionner par l’autorité statutaire.
Il est impossible d’obtenir le respect d’une personne que l’on ne respecte pas. Les jeunes que l’on respecte sont respectueux.
- 2/ Les jeunes sont impatients et veulent tout, tout de suite.
Faux. Les jeunes veulent des opportunités, et se rendre maîtres de leurs destins. « Attendre » le bon vouloir de son boss n’est pas un bon plan de carrière.Rendons leur justice.
- 3/ Les jeunes sont frivoles, et manquent de loyauté.
Faux. S’ils changent d’Entreprise, ce n’est pas par frivolité, c’est parce que celle qui les emploie ne les comble pas.
- 4/ Les jeunes manquent de « drive ».
Faux. Ils sont simplement « drivés » par des considérations et objectifs différents de leurs prédécesseurs.
Faire de l’argent, faire de la richesse pour la richesse est de moins en moins un drive chez les jeunes, qui préfèrent donner un autre sens à leur vie que l’enrichissement matériel.
- 5/ Les jeunes sont distraits (manquent de concentration) à cause de leur addiction aux nouvelles technologies.
Faux. En revanche, les jeunes sont en règle générale plus enclins que les générations précédentes à l’usage des nouvelles technologies, mais cela leur permet d’être très productifs dans de nombreux cas.
Une grande partie des managers aura beaucoup de difficulté à se séparer de son besoin de contrôle, et le fera d’autant plus difficilement qu’elle restera perméable aux stéréotypes indiqués ci-dessus. L’enjeu est grand.
Une récente étude menée par la City University London et l'Université de Pennsylvanie apporte une explication scientifique à l'émergence soudaine et spontanée de conventions sociales.
Ces conventions ou normes (comme se serrer la main ou porter une cravate) semblent surgir de nulle part, en l'absence de toute force extérieure. C’est le fameux théorème de la « génération spontanée ».
« Notre étude explique comment certaines idées et certains comportements se mettent en place, puis se généralisent soudainement, affirme Dr Centola. Contrairement à une idée fausse généralisée, ce processus ne dépend pas de la présence d'une forme de leader ou d'une source médiatique centralisée coordonnant une population. Nous montrons un consensus qui s'établit uniquement sur les interactions normales des personnes dans leurs réseaux sociaux.
Les conventions forment les briques avec lesquelles nous construisons notre vie sociale, depuis la façon de nous saluer, par exemple en nous serrant la main, jusqu'à la décision de porter une cravate, indique Dr Baronchelli.
Quand on y réfléchit, une cravate est un accessoire ridicule. Il est de moins en moins rare de rencontrer des dirigeants et managers sans cravates, et pas seulement lors de séminaires.
Les start-ups fondées par des jeunes obéissent à des fonctionnements nouveaux, parmi lesquels la confiance, basée sur la loyauté, prime. L’entreprise à succès de demain sera très probablement une entreprise « virtuose », dans laquelle l’humain dépassera les « process ».
Nous assistons à l’émergence des entreprises «Y» décrites par Mc Gregor dans les années …60.
Celles dans lesquelles les « outils » managériaux sont rangés au placard pour faire place à la considération, celle où l’estime remplace l’autorité statutaire, celle où le sens du collectif domine les ego, celle où l’autonomie des collaborateurs vient renforcer la marge de manœuvre des leaders, celle où l’exigence de tous fait échec au carriérisme, celle où on pratique la bienveillance, sans complaisance, celle où les clients sont plus que des opportunités de vente, celle où le savoir, la réflexion, l’implication sont le fait de la plupart, indépendamment des positions hiérarchiques, où chacun fait sa part, où les équipes s’entraident.
Celles enfin, qui permettent à chacun d’exprimer et montrer le meilleur de lui-même, parce que le management est investi dans la réussite collective, partagée et responsable.
On observera au cours des prochaines années une mutation profonde des rapports humains dans l’entreprise. Les collaborateurs de tous « niveaux » s’attacheront au sens de leur mission et la voudront de plus en plus compatible avec le sens de leur vie.
La « course à l’échalote » est désormais désuète. De moins en moins de personnes s’attacheront à se mobiliser plus, pour gagner plus, et acquérir plus de choses pour impressionner des gens dont ils n’ont fondamentalement rien à faire.
Les incentives monétaires auront de plus en plus une influence négative sur les personnes et les performances, il y aura de moins en moins de mercenaires. Ils n’auront de place que dans les entreprises mécanistes, anachroniques, à l’espérance de vie courte.
« Time is money » devient « Time is life », et de plus en plus de personnes aspirent à une vie riche de sens plus que de possessions.
Très cordialement, Gérard-Dominique CARTON