Groupe Gérard Carton
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Le mythe de la caverne et le management

Le Groupe Gérard Carton vous propose tous types de lectures, longues ou brèves, souvent teintées d'humour mais toujours sérieuses...

Dans La République, (livre VII), Platon met en scène Socrate posant les bases de la réussite pour toute entreprise humaine ; et cela pas seulement pour les dirigeants de cités, les politiques, car l’on y trouve une saine inspiration des fondements du management. Selon Socrate, celui que l’on appellerait aujourd’hui « manager » est une personne qui produit du « bien » pour son environnement (interne et externe). Son but n’est pas le profit, encore moins les process, bien que ces deux éléments fassent partie de sa mission ; il doit être guidé par deux autres éléments essentiels · La prise de décisions ayant une valeur ajoutée pour sa communauté · L’amélioration de la vie de ceux auxquels ce qu’il fait est destiné. L'allégorie de la caverne permet d’explorer la relation entre le management et la philosophie et porte sur la « bonne » gouvernance. Elle expose la capacité des hommes à accéder à la connaissance de la réalité, ainsi que son difficile partage. Elle met en scène des hommes enchaînés et immobilisés depuis l’enfance dans une caverne souterraine qui tournent le dos à l'entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d'objets au loin derrière eux. Que nous dit Socrate en substance ? Les hommes dans la caverne se croient libres, mais ils sont prisonniers. Ils ne peuvent voir que devant eux. La lumière du soleil ne pénètre pas dans la caverne. La seule source d’éclairage est un feu qui est à l’arrière des prisonniers. Entre les prisonniers et le feu, il y a des dizaines de statuettes représentant des êtres humains, des animaux et diverses autres formes naturelles. La lumière du feu sur les statuettes projette des ombres sur un mur qui est face aux prisonniers. Ainsi, les prisonniers n’ont jamais vu autre chose que des ombres. Les prisonniers sont fascinés par ces ombres qu’ils prennent depuis leur enfance pour des réalités. Leurs croyances et leurs valeurs se sont construites dans un monde qu’ils croient réel mais qui n’est qu’un assemblage de représentations. Aucun des prisonniers ne souhaite quitter cet état, car toutes les valeurs et les croyances qui les animent sont anxiogènes, et dans la caverne ils se sentent et se croient en sécurité. Si néanmoins il doit sortir de la caverne, le prisonnier ne voudra pas bouger. Il va falloir le forcer à se redresser, à marcher vers la sortie, à regarder la lumière du jour. Au début, le prisonnier va continuer à croire que les ombres ont plus de réalité que le monde qu’il découvre. Toutefois, il va finir par réaliser que le monde extérieur offre une autre réalité que le monde de la caverne. Finalement, il va constater que la vraie source de sa vision est le soleil. S’il retourne dans la caverne pour enseigner la vérité à ses camarades et les libérer, ceux-ci vont se moquer de lui et même l’éliminer. Que nous apprend Socrate ? Tout d’abord, distinguer le monde des représentations du monde des idées. Le premier est constitué de nos perceptions conditionnées par nos expériences, notre savoir. Le monde des idées est celui qui donne un sens. Le « bien » est la valeur morale la plus importante. Qui se lève le matin en voulant faire le mal ? Socrate nous le dit : La priorité pour une entreprise ce n’est pas ses processus qui relèvent de nos perceptions et représentations, mais les valeurs de l’entreprise qui relèvent du monde des idées. Ce sont sa mission, sa vision, ses valeurs qui donnent un sens au travail des hommes et des femmes qui y consacrent une partie de leur vie. Ces valeurs agissent comme un catalyseur sur les employés et sur les clients à la grande condition qu’il y ait cohérence entre le discours et les comportements. Ces valeurs sont des briseurs de préjugés et de stéréotypes, des générateurs d’intelligence partagée, de compréhension et de motivation pour changer et changer pour le « mieux ». Comment permettre aux collaborateurs de s’approprier les valeurs de l’entreprise ? Le mythe de la caverne part de l’idée très simple que seule l’éducation peut nous libérer des chaînes qui nous asservissent. L’éducation c’est à dire la formation, l’explication, l’échange, le savoir, la communication, l’exemplarité entre autres. Le monde intelligible éclairé par l’idée du bien est plus réel et plus vrai que le monde sensible assombri par des contraintes. Ainsi, le but de l’éducation pour Platon est de détourner l’âme du monde sensible qui n’est que perception et virtualité, vers le monde intelligible et vers la contemplation de l’idée du bien. De même, l’objectif principal du manager devrait être de développer les connaissances de ses collaborateurs, la compréhension et l’intégration des valeurs de l’organisation. Socrate nous le dit avec simplicité. C’est difficile et la route est semée d’embûches. Les êtres humains, à défaut de mieux savoir, aiment la prison qui les opprime et s’ils rencontrent quelque part quelqu’un pour les guider vers la liberté, plutôt que de le suivre et l’écouter, ils vont préférer le ridiculiser et même l’éliminer. On doit ici se souvenir que Socrate a été condamné à mort pour avoir osé se battre pour la liberté des esprits et la vérité et surtout avoir déplu à un homme de pouvoir obtus. Sortir de la caverne est sortir de l’ignorance et du carcan des contraintes du monde comme représentation, pour entrer dans le monde de l’éthique, des idées. Les crises que nous connaissons sont peut-être simplement dues au fait que beaucoup sont restés dans la caverne, et si certains s’y sont enrichis, ils n’en sont que plus pauvres…. Notre monde est ce que nous en faisons, "La plus grande révolution de notre génération est que les êtres humains, en changeant les attitudes intérieures de leur esprit, peuvent changer les aspects extérieurs de leur vie." W. James. Changer, s’adapter, évoluer, sont des constantes humaines. Beaucoup de changements portent sur les apparences, mais le fond reste le même. Aristophane, dans « les nuées », fait parler un père de son fils à qui il reproche de « porter les cheveux longs, aimer la vitesse et dont il doit boucler les fins de mois ». C’était en 400 avant JC. Aristophane avait une vision pessimiste de la société, au point qu’il ne supportait pas les discours de Socrate, dont il estimait que la foi dans l’humain, la capacité des hommes à apprendre, la bienveillance était un danger pour la Société. Aristophane a été le principal détracteur de Socrate et avec quelques autres est parvenu à le faire condamner à mort. Ainsi, quelques esprits médiocres détruisent la vie d’un immense philosophe, en s’appuyant sur le pouvoir de la cité, les esprits faibles, les envieux, les adeptes de la facilité, hermétiques au stoïcisme. Quelques-uns sont ainsi portés par des valeurs négatives, puisant leur énergie destructrice dans les tréfonds de leur cerveau reptilien. Ils se réclament du « bon sens populaire », qui chacun le sait est un mythe puissant et dévastateur. Ils se targuent de « réalisme », cette métaphore utilisée pour cacher le cynisme, présentant l’hypothèse de la malveillance humaine comme un fait établi. D’ailleurs, ils sont la preuve par l’exemple, puisque cyniques et malveillants, ils condamnent autrui sur des procès d’intention. Ces gens-là, parviennent dans des positions de « pouvoir » en mettant leur intelligence au service de leur ego, leur talent à celui de buts négatifs, et toujours orientés vers la satisfaction de leur besoin de dominer, non pas par la valeur, mais en abaissant autrui. Ils existent, et se réclament d’être la majorité du genre humain. Magnifique paradoxe, car parce qu’ils existent, ils donnent au monde la couleur glauque que réfutent tous ceux qui comme Socrate, croient en la valeur de l’humain et donc sont prêts à pardonner aux rossards. Ils travaillent sur les peurs, les angoisses, et au besoin en créent. Ils appellent faiblesse la gentillesse, ne trouvent d’amours vraies que dans le narcissisme, limitent l’humour aux sarcasmes, et réduisent l’humanité à son plus petit commun dénominateur, la survie. Ainsi passent-ils à côté de l’existence, ayant choisi d’être des parasites, et ne supportent pas que d’autres, puissent envisager de sortir de la caverne pour vivre au soleil. Sortir de la caverne, obscurcie par la vision noire des aristophanesques. Se libérer du joug des croyances négatives, retrouver en la majorité de ceux qui nous entourent des valeurs humaines profondes et positives. Ne pas laisser les forcenés des apparences masquer le soleil et projeter leur ombre sur « nos » réalités. Oui, il y a des imbéciles, oui, il y a des « toxiques », oui certains sont vénéneux. Mais il y a surtout des gens portés par une conscience humaine juste, équilibrée, sociable. Leur force est leur faiblesse, la tolérance. Parce qu’ils tolèrent les vénéneux, leur vie risque d’être empoisonnée. Alors, peut-être faudrait-il que les bienveillants s’indignent ? · S’indigner de la méchanceté, de la malveillance, du cynisme, des sarcasmes… · S’indigner de la bassesse, de la froideur, de la domination, des stratagèmes, de la goujaterie, de l’égocentrisme et de l’ultra-matérialisme… · S’indigner de la pression abjecte des vénéneux, refuser de voir le monde avec leurs yeux, emplis de méfiance, de supputations négatives, de prosaïsme facile. · S’indigner avec force, faire valoir son droit de bâtir et vivre un monde meilleur dans lequel les vénéneux n’ont de place qu’au sous sol, dans la caverne. Notre société fait souvent la part belle aux aristophanistes, il serait temps d’en prendre conscience, et de regarder du côté de Socrate. « Connais-toi toi-même », saches si tu veux vivre et contribuer à un monde meilleur, ou bien rester dans ta caverne, même si elle à les apparences d’un abri. Un monde meilleur n'est pas une utopie, il peut le devenir pourtant lorsque beaucoup s'en persuadent. La caverne est pleine de fake-news, de contrevérités, de stéréotypes, de préjugés, d'apriorismes et ce qui occupe le plus d'espace, d'ignorance. Nous connaissons tous nombre de personnes qui oeuvrent pour le bien, travaillent bien, ont une conscience, une éthique, des résultats... On perle trop peu de ces gens-là... Parlons en plus.

GDC

PS : Pour ceux qui sont arrivés jusqu'au bout de cet article, et qui s'émeuvent ou s'interrogent sur la phrase première, " Dans La République, (livre VII), Socrate pose les bases de la réussite... " : Oui, l'auteur de La République est Platon. Il donne la parole à Socrate, dont il fut le disciple, et c'est dans le respect de son choix que j'ai écrit cette phrase. Ceux qui n'apprécient pas la formule ont tout à fait le droit de le faire savoir.

Gérard-Dominique Carton- La lettre du GCCG © Hors -série 2021