Publié dans La Lettre du GCCG - Outils managériaux
Connaissez-vous le rasoir d’Ockham ?
Il a joué un rôle clé dans l’élaboration de modèles scientifiques, philosophiques et économiques. Guillaume d’Ockham(∗) a conçu qu’il est inutile d’accomplir par un plus grand nombre de moyens ce qu’un nombre moindre de moyens suffit à produire ; si deux choses suffisent à produire un effet, il est superflu d’en mettre trois.
En français moderne, dans un ensemble de modèles expliquant des faits, la préférence devrait être donnée à celui qui fait appel au nombre minimal d’hypothèses. Ce principe est appelé « rasoir » car il sert à « trancher » entre différents modèles d’un phénomène, en choisissant « le plus simple ». Il est à l’opposé du principe énoncé avec humour pour critiquer certaines pratiques :
« Pourquoi faire simple si l’on peut faire compliqué ».
Dans la réflexion managériale, le rasoir d’Ockham peut devenir un puissant outil de simplification sur nombre de thèmes :
- Modèle économique
- Analyses de situation
- Analyses de données financières
- Analyses marketing
- Climat social
- Performance collective
- Performance individuelle
- Gestion de crise
- Conduite de projet
- …/…
La réalité administrative européenne en général et française en particulier est un système d’une complexité telle que même les experts s’y perdent.
Qu’il s’agisse des droits et devoirs, des procédures, des taxes, des règlementations diverses et variées, des obligations, des lois et des jurisprudences, les textes, parfois contradictoires, toujours compliqués, souvent incompréhensibles pour le commun des mortels créent une réalité anxiogène, totalement contreproductive.
Par effet de contagion, nombre d’Entreprises créent des systèmes et processus internes dont les managers ont charge de gestion, respect et animation.
Le « reporting » est devenu plus qu’un outil d’information ; il est structurant de l’activité de l’Entreprise et donc de celle de ses collaborateurs.
L’information appelle l’information, et plus on en a, plus on en sait, plus on a besoin d’explications. En logique, une explication s’appelle une hypothèse.
Et nous voici au point de départ. Devrait-on faire plus souvent appel au rasoir d’Ockham ?
Intuitivement, la réponse est forcément « oui ».
Dans les faits :
- La gestion de la complexité est devenue une activité majeure.
- La simplification est perçue comme une menace précisément du fait de la complexité, car l’on craint qu’elle ne génère des dysfonctionnements (fraudes, abus, erreurs).
Réduire la complexité d’un système expose à abandonner des éléments dont on n’est pas sûr qu’ils soient inutiles, superflus, ou même « coûteux ». On a donc une approche complexe de la simplification, et paradoxalement, elle devient à son tour anxiogène.
Complexité et simplification étant toutes deux anxiogènes, la plupart choisit le « statu quo »…
Quelques réflexions à méditer…
- Si votre reporting business est composé de plus de cent indicateurs clés, ce ne sont pas des clés mais des bitoniaux.
- Si le descriptif d’un processus tient sur plus de deux pages, c’est un roman.
- Si vos réunions de travail comportent plus de temps à tenter de comprendre ce qui se passe qu’à configurer des solutions un coup de rasoir d’Ockham s’impose.
Dans sa formidable capacité à simplifier, contrairement à une idée reçue, Albert Einstein donnait sa formule du succès : « Soit A un succès dans la vie. Alors A = x + y + z, où x = travailler, y = s'amuser, z = se taire. »
La complexité coûte insidieusement cher aux entreprises, et il est un fait absurde mais constant que l’on considère plus ceux qui l’entretiennent que ceux qui cherchent à simplifier.
Comme si la maîtrise de choses complexes était une preuve d’intelligence…
La capacité à simplifier est en fait assez rare, et souvent détournée sous l’appellation d’approche simpliste. Lors d’un forum où des utilisateurs d’ordinateurs portables étaient rassemblés, la comparaison « Apple » « Microsoft » fut débattue. Pour 63% des utilisateurs convaincus par les logiciels d’exploitation Microsoft, une des raisons principales de « détestation » d’Apple est que leur IOS est trop simple d’utilisation.
Il existe, dans les entreprises, des fonctions transversales permettant d’améliorer la qualité, de gérer les ressources humaines, la finance, l’innovation…
Devrait-on créer une fonction « simplificatrice » ?
Si cette fonction avait existé chez VW, l’arbitrage consistant à installer un logiciel capable de truquer les résultats des tests sur l’émission de NOx pour économiser un dispositif coûtant 300 euros par véhicule aurait-il été différent ?
Le rasoir d’Ockham aurait sans doute amené à prendre la solution la plus simple, installer le dispositif réduisant l’émission de NOx.
Le scandale actuel révèle que pour éviter un coût estimé à 150 millions d’euros environ, VW va devoir provisionner 6,5 milliards, pour le rapatriement des véhicules incriminés, est exposé à des sanctions et pénalités financières de l’ordre de 18 milliards, et que sa perte en capitalisation boursière est elle aussi de 18 milliards.
Enfin, la gestion de la pandémie et plus particulièrement du processus de vaccination est un modèle du genre « pourquoi faire simple si… » .
Très cordialement
Gdc