Publié dans La Lettre du GCCG - Tentative d’humour
L’homme entra d’un pas décidé dans le bureau de l’Expert.
Bonjour Monsieur, je viens vous voir pour un grand projet !
Bonjour Monsieur, vous m’en voyez ravi ! J’espère que vous pourrez m’aider...
Bien sûr ! Tout est une question de budget...
Voulez-vous dire que tout est possible si l’on en a les moyens financiers ?
Absolument !
Mais alors, pourquoi tant de choses ne se font-elles pas alors qu’on en a les moyens ?
Parce que l’on fait des arbitrages de priorités ...on n’a que des moyens finis alors que les besoins sont, eux, infinis.
Il devrait être facile de s’entendre sur les priorités !
Du tout, car elles dépendent de deux choses, les principes que l’on observe et les perspectives que l’on développe.
Tout le monde pourtant voudrait « le bonheur de tous » et « la paix universelle » n’est-ce pas ?
En effet, mais ça c’est en théorie...dans la pratique, ce que la plupart des gens veulent, c’est leur bonheur et la paix chez eux, c’est pourquoi par exemple, les guerres se font ailleurs et le bonheur se résume à des moments.
Je vous trouve bien cynique
Le cynisme est un concept développé par les partisans de l’angélisme pour qualifier les réalités hostiles de la vie...
Me croyez-vous, pour vouloir le bonheur de tous, être partisan de l’angélisme ?
L’angélisme n’est pas de vouloir le bonheur de tous, mais de penser qu’il est possible...
Ne serait-ce pas folie que de vouloir une chose impossible ?
Ceci est très fréquent, c’est tout le paradoxe de l’humanité qui entière se veut fraternelle et heureuse tout en sachant que cela est impossible...
Je suis désespéré !
Pourquoi donc ?
Parce que mon grand projet était précisément de rendre heureux tous les collaborateurs de mon Entreprise !
Mais pourquoi donc voulez-vous que vos collaborateurs soient heureux ? Quelle drôle d’idée !
Parce que je crois que le fait d’être heureux rend les gens plus efficaces, plus à même de bien remplir leur mission...
Mais alors ce que vous souhaitez n’est pas qu’ils soient heureux, c’est qu’ils soient plus productifs !
En quelque sorte, oui, mais je pense que leur bien-être permet cela.
Qu’est-ce qui vous fait croire que leur bien-être serait une condition de leur efficacité ?
Cela me paraît évident !
Vos collaborateurs sont- ils actuellement malheureux ?
Non, je ne crois pas...Mais beaucoup ne me semblent pas heureux
Et ceux-ci ne sont pas efficaces alors que ceux qui vous semblent heureux le sont ?
Voilà ! c’est exactement ça !
Et si vous vous trompiez ?
Comment ça ?
Si, en fait, c’était l’inverse ? N’est-il pas concevable que ce soit parce qu’ils sont efficaces que certains soient heureux et que d’autres soient malheureux parce qu’ils se sentent inefficaces ou « inutiles » ?
C’est en effet possible...
Ce n’est donc pas leur bonheur qu’il vous faut ambitionner, mais leur efficacité !
Mais alors pouvez-vous m’aider à les rendre plus efficaces ?
Oui, je le peux, mais cela dépend de vos moyens financiers...
Combien cela pourrait-il coûter ?
Cher
Cher comment ?
Cher en investissement
Et quel en serait alors le retour ?
L’efficacité !
Il me faudrait donc pouvoir calculer le bénéfice de l’efficacité pour mesurer le retour sur investissement de son obtention !
Absolument ! Voici comment faire. Commencez par calculer le coût de l’inefficacité. C’est la somme des projets non aboutis, des projets ruineux, des erreurs, des dysfonctionnements, des heures perdues...
Mais c’est très difficile à calculer !
Si vous ne pouvez pas savoir combien coûte l’inefficacité, il est absurde de croire que l’efficacité serait un bénéfice !
Pourquoi donc ?
Parce que l’efficacité et l’inefficacité composent un tout qui n’est pas symétrique. Le résultat de votre entreprise est un mix entre les deux. La recherche d’efficacité ne vaut l’investissement que si le coût de l’inefficacité est supérieur au gain dégagé par l’efficacité.
C’est bien compliqué !
Mais non, c’est très simple, au contraire...
Ne supposez pas l’inefficacité, mesurez-là, si vous ne pouvez pas la mesurer c’est qu’elle est conceptuelle et non établie...Alors, abandonnez le Don-quichottisme, et retournez à vos moutons.
Alors pouvez-vous me dessiner un mouton ?
Oui, le même que celui dessiné pour le Petit Prince
Une boîte ?
En effet.
Le mouton est dans la boîte, et l’on imagine le mouton ?
C’est cela.
Très bien combien vous dois-je, Monsieur, pour cette consultation ?
Rien, monsieur, ce fut un plaisir pour moi d’échanger avec vous.
Et c’est ainsi qu’il apparaît que ce que l’on cherche n’est pas nécessairement ce que l’on veut trouver, et que ce que l’on trouve n’est jamais inutile.
"C'est ce que je fais qui m'apprend ce que je cherche, car l'artiste va vers ce qu'il ne connaît pas par des chemins qu'il ignore." (Pierre Soulages)
Bien cordialement, Gérard-Dominique CARTON