Publié dans La Lettre du GCCG - Communication - Divers
La lettre du GCCG évoquait la notion de « réalité » dans ses deux niveaux distincts très souvent confondus.
Pour rappel, les réalités de « premier niveau » portent sur ce qui est établi, prouvé, matériellement observable. Elles sont du domaine objectif et du savoir. Les réalités de « second niveau » portent sur la signification et la valeur données aux réalités de premier niveau. Elles sont du domaine subjectif et de la communication.
Il existe un troisième niveau.
Les réalités de niveau 3 sont fondées sur la tendance à l’apophénie des interlocuteurs. Entendez par là leur capacité à « créer » de l’information en donnant un sens particulier à des évènements banals et en établissant des rapports non motivés entre les choses. C’est une altération de la perception conduisant un individu à attribuer ou trouver un sens « caché » là où il n’y en a objectivement pas. Les paranoïaques sont les champions de l’apophénie, et les lanceurs de rumeurs n’ont rien à leur envier.
La plupart des rumeurs en Entreprise sont des réalités de niveau 3. Bien évidemment le fait que certaines rumeurs soient en réalité des indiscrétions (et donc « vraies), vient leur ajouter de la crédibilité. Souvenez-vous si une rumeur s’avère exacte, alors elle est à la base une indiscrétion. Les vraies rumeurs sont toujours fausses.
Les réalités de niveau 3 apparaissent aussi à partir de la communication institutionnelle et officielle. Un Projet de fusion, de rapprochement, de réorganisation est une aubaine pour les adeptes de l’apophénie. Elles comportent un lot important d’informations négatives et inquiétantes, et s’appuient sur des certitudes « intuitives ».
Elles comportent 4 stades de « gravité ».
Le premier stade, assez bénin, consiste à « voir » des situations, problèmes ou difficultés là où il n’y en a pas. « On ne nous a pas parlé ce mois-ci du projet X1. Il est probablement hors des clous. »
Le second stade, plus pernicieux, consiste à imaginer des horreurs et des films catastrophes en reliant entre eux des évènements indépendants, par exemple la perte d’un client et le départ d’un manager ou encore la nomination de quelqu’un et un changement au Conseil d’Administration.
Le troisième stade est grave, il consiste à « fabriquer » de l’information en faisant des amalgames choquants ou dévastateurs. Par exemple une photo a beaucoup circulé sur le Web, montrant Obama faisant la fête avec « son copain » ben Laden. C’est un montage ridicule, présenté comme la photo que le FBI a essayé de détruire, et qu’un internaute a néanmoins réussi à divulguer.
Le quatrième stade est pitoyable, car il y est développé des évidences malsaines ou stupides à partir d’hypothèses farfelues présentées comme des vérités scientifiques. Par exemple, pour démontrer que le réchauffement climatique est un faux problème et que la fonte des calottes glaciaires ne créera aucun problème, un brillant pseudo-scientifique démontre que lorsqu’un glaçon fond dans un verre d’eau, le verre ne déborde pas. Donc, si les banquises du Pôle Nord et du Pôle Sud disparaissent, le niveau des océans ne montera pas. CQFD.
Expliquer que les banquises ne sont pas des glaçons en flottaison et que la terre n’est pas un récipient, ne change pas son point de vue.
Les réalités de niveau 3 en entreprise et dans la vie courante sont très présentes, elles se construisent « spontanément » et passent allègrement du stade 1 au stade 4.
En période électorale, elles fleurissent à l’extérieur des Entreprises et en envahissent l’intérieur. Nous avons eu celles sur le Brexit, nous avons celles sur l’élection de D. Trump, et bien d’autres encore tant la presse « people » (et pas seulement elle) est coutumière du « sensationnel ».
Les « scoops » petits ou grands sont souvent issus de réalités de niveau 3. Dans les fêtes foraines, il y a plus de manèges à sensations fortes issues d’un danger potentiel que de manèges « amusants » ou « drôles ».
Dans la vie en général, la préférence pour les informations négatives est plus fréquente que l’inverse. Un grand patron de Presse disait qu’une « bonne nouvelle n’est pas une nouvelle ». C’est assez conditionnant et générateur d’anxiétés.
Lorsque l’on essaie de regarder la vie sous un angle plus « positif » et de faire une place aux « bonnes nouvelles », on est souvent vu comme un adepte du monde des Bisounours ou un être un peu simplet.
Il faut reconnaître qu’il y a aussi parfois des réalités de niveau 3 outrancièrement positives, par exemple les recommandations de certains analystes boursiers sur certains titres ou encore les miracles attendus des nouvelles technologies. Il n’en reste pas moins que les réalités de niveau 3 sont encore plus éloignées des réalités de niveau 1 que celles de niveau 2.
Dans l’Entreprise comme à la maison, discuter des réalités de niveau 3 même au premier stade est assez éprouvant et souvent agaçant.
Alors, lorsque j’en rencontre, et que mon interlocuteur est aussi péremptoire que retranché dans ses certitudes, il me vient à l’esprit cette réflexion apaisante « ah…comme j’aimerais être aussi intelligent qu’il croit l’être ».
Cordialement
Gdc