Publié dans La minute de bon sens - Connaissances utiles
La France compte (mal) plusieurs millions de demandeurs d’emploi. Nombre de personnes en recherche d’emploi ou « en transition » selon l’euphémisme en vogue, n’avaient pas vu venir la perte de leur emploi précédent.
Beaucoup d’entre elles n’avaient pas envisagé sérieusement qu’elles puissent perdre leur emploi, et beaucoup mesurent toute la difficulté d’en obtenir un nouveau, encore plus à la hauteur du précédent.
Les statistiques sont brutales : Cadre emploi, actuellement propose 11 816 offres d'emploi. Les perspectives de créations de postes pour la France plafonnent à 229.000 emplois pour 2018. Il y a plus de 3 millions de personnes en recherche active.
La question de la « valeur » d’un emploi est au centre du sujet. En termes aussi brutaux que la réalité statistique du marché de l’emploi, la valeur d’un emploi répond à la question « quelle contribution aux résultats de l’entreprise et à l’accomplissement de sa mission est celle de cet emploi » . En deuxième lieu, quelle est la valeur ajoutée de cet emploi pour les clients de l’Entreprise (ou organisation).
La contribution peut être directe ou indirecte. La réalité économique du Pays fait que les emplois à contribution indirecte sont les plus menacés.
L’analyse des blogs, post sur les réseaux sociaux de personnes en transition fait ressortir quelques regrets exprimés et stéréotypes de la « pensée salariale » qui méritent d’être étudiés.
En préalable, souvenez-vous, la valeur / contribution d’un emploi aux résultats de l’entreprise et à l’accomplissement de sa mission est le fondement de sa sécurité.
1. « Puisque je suis payé tous les mois pour faire ce que je fais, cela doit avoir de la valeur ». Ne pas s’interroger sur la valeur de ce que l’on fait est une erreur pouvant être fatale. En outre, cette valeur est-elle évidente à l’employeur, aux clients ? Les personnes qui décident de créer leur emploi le mesurent immédiatement.
2. « Parce que je suis présent tous les jours, je mérite mon salaire et mon emploi est sécurisé». La présence ne peut durablement assurer une rémunération, c’est la valeur de cette présence, à savoir l’utilité de ce qui est fait dans les rouages du système né de l’organisation de l’Entreprise qui est la clé. Le premier danger de ce genre de raisonnement est d’oublier que la plupart des tâches réalisées dans une Entreprise peuvent être sous traitées. La sous-traitance se développe dans tous les métiers. Cela a commencé avec le ménage, a continué avec les livraisons, la comptabilité, l’administratif en général, mais aussi la fabrication, et de plus en plus la vente, l’informatique… L’arrivée de l’intelligence artificielle augmente exponentiellement le risque, d’autant que nombre de systèmes d’IA travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Présence imbattable.
3. « Je suis employé depuis longtemps, l’Entreprise marche bien, je suis en sécurité ». Dans un système complexe, et toute entreprise est un système complexe, chaque fonction est interdépendante des autres, et donc précaire. Les plus précaires sont les fonctions dites managériales ou d’encadrement. Leur valeur, pour beaucoup, est de moins en moins évidente.
4. « Je suis manager on a besoin de moi ». La tendance lourde, depuis plusieurs années, est de réduire les niveaux de management, en capitalisant sur l’autonomie des collaborateurs et la constitution d’équipes autour de leaders qui ne sont pas nécessairement « chefs » . Beaucoup de fonctions de coordination ont disparu, beaucoup disparaitront, et nombre de positions managériale se résument à de la coordination.
5. « Je suis expert, on a besoin de moi ». A moyen terme, il n’existera aucune expertise qui ne puisse être remplacée par un système expert. A court terme aucun expert n’est unique.
6. « Je suis incontournable, essentiel ». Quel que soit le poste que l’on occupe, on n’est jamais incontournable, même si l’on créé de la valeur, beaucoup de valeur. Chacun est remplaçable. Le chantage à la démission est toujours une stratégie perdante. Si l’on est « incontournable» , la question, en outre, reste « combien de temps » ?
7. « Le top management est responsable de la performance de l’entreprise » . L’entreprise est, encore une fois, un système complexe. Dans ce système chacun doit contribuer à valeur créée. Faute de le faire de façon évidente, chacun est en risque. Le Top management a pour mission d’assurer la rentabilité de l’entreprise, ce qui est différent.
Quelques questions à se poser régulièrement :
1. Quelle valeur est-ce que j’apporte à l’Entreprise / ses clients ? Directement et indirectement.
2. Quel est le ratio entre cette valeur et le coût que je représente ?
3. Quelle est ma place dans le modèle économique et le modèle social de l’Entreprise ?
4. Quelle est ma valeur ajoutée dans les évolutions nécessaires de l’entreprise ?
5. En quoi exactement suis-je utile / contributif à la réussite collective ? En quoi le serais-je demain ?
6. Si je n’étais pas là demain, de façon durable, objectivement que perdrait l’Entreprise ?
Bien évidemment, la valeur n’est pas uniquement financière / économique. Elle peut résider dans la fluidification du système complexe qu’est l’Entreprise, dans l’amélioration constante de la qualité produite, de l’optimisation des coûts de fonctionnement / production, dans la conception de stratégies, dans la protection de l’entreprise, de ses salariés, dans la réduction des risques, dans l’innovation, etc.
Mais une chose est certaine, c’est la valeur ajoutée dans la durée qui assure le maintien d’un emploi/ poste quel que soit le modèle économique de l’entreprise et quel que soit son modèle social.
Lorsque le social est placé en priorité sur l’économique et que l’on « garde des collaborateurs » au nom de leur ancienneté et de leurs accomplissements passés, l’intention est méritoire, mais elle ne résiste pas à un changement d’actionnaire ou de top management ou encore à des résultats financiers insuffisants. Ceci se produit fatalement, un jour.
Quelques conseils :
• Aimer son Entreprise ne suffit pas. En quoi la faites-vous progresser, en quoi contribuez-vous à sa réussite ?
• Ce n’est pas parce que votre job est nécessaire qu’il vous est acquis. La performance objective qui est la vôtre s’accompagne nécessairement de l’appréciation subjective de cette performance. Quelle est-elle, par qui ?
• Faites-vous le maximum la plupart du temps ? La baisse de performance s’explique presque toujours par une baisse d’engagement.
• Les lauriers ont la vie courte et fanent vite. Vous avez accompli, dans le passé des choses remarquables ? Vous vous en souvenez très bien, mais votre entourage l’aura vite oublié.
• Savoir exactement et objectivement ce qui fait votre valeur. Aucune valeur n’est stable ; dans un monde qui bouge, votre valeur doit se renouveler et être en phase avec les besoins futurs.
• Soyez toujours utile, et ne cherchez jamais à être indispensable. L’entourage n’aime pas les gens indispensables.
• De qui dépendez-vous ? L’autonomie est toujours relative. Quelqu’un quelque part est la clé de votre emploi. Connaissez-vous bien cette personne, ses plans, sa vision du futur ?
• Quels sont vos risques de croiser un chauffard sur la route de votre carrière ? Il y en a beaucoup qui circulent librement… Le chauffard est celui qui peut vous « démolir », en toute impunité, au moins à court terme. Si votre Entreprise en abrite plusieurs, votre risque est élevé.
• Concentrez-vous sur votre travail, votre mission, votre valeur-ajoutée / contribution, vos objectifs, pas sur votre emploi, votre titre, vos avantages, votre confort.
• Faites des efforts constants. Lorsque l’on cesse d’en faire, on se sclérose et rapetisse dans sa zone de confort, et alors, fatalement on régresse. Apprenez ce que vous ne savez pas, faites l’effort de vous intéresser à ce qui vous barbe, allez-vers autrui si vous êtes de nature réservée et jamais ne prononcez « Je suis comme ça, c’est à prendre ou à laisser » , car un jour, « on » laissera.
Bien cordialement,
Gérard-Dominique Carton
“C'est terrible de se laisser prendre dans sa routine, on s'enlise, on se sent en sécurité. Et puis, tout à coup, on s'éveille, et il n'y a plus rien...”
Yves Thériault