Publié dans La minute de bon sens - Connaissances utiles - Leadership - Stratégies managériales - Outils managériaux
Nombre de managers et dirigeants accordent une importance primordiale à la loyauté.
La plupart ont à faire le constat, à un moment ou à un autre, de la « déloyauté » de ceux qu’ils considéraient jusqu’à lors comme « loyaux » .
Ils en tirent la conclusion d’avoir mal placé leur confiance et font le constat de l’inconstance voire de la trahison de ces collaborateurs ou associés.
Comment conclure autrement ?
D’un autre côté, lorsque l’on interroge des personnes suspectées de déloyauté, la vision de la situation est très différente. A la question « êtes-vous loyal ?» , pratiquement tout le monde répond « oui » .
Personne ne s’estime « traître » ou « déloyal » , même parmi les plus objectivement fourbes. Chacun a des raisons, qu’il estime justes, pour avoir changé de position et toujours exprime sa loyauté à une cause plus grande que celle de la loyauté à une personne.
• Un top manager déloyal à son Directeur général explique que sa loyauté va d’abord à l’entreprise sa culture et ses valeurs, et que pour cela il doit « aller contre le DG ».
• Un Associé déloyal explique que sa loyauté doit d’abord aller à sa famille.
• Un collaborateur déloyal estime que son intérêt personnel passe avant celui de son équipe.
« On est toujours loyal à une cause » , cela tient à la représentation de cette cause et son importance relative du moment.
« Je suis fidèle à mes principes » est universel. L’importance relative des principes est, quant à elle, sujette à des évolutions selon les situations.
La loyauté aux personnes est un mythe ou un miracle. Elle tient tant qu’elle n’entre pas en conflit avec les intérêts personnels à court terme et leur projection à moyen et long terme.
Il est donc absurde d’accorder une importance primordiale à la « loyauté » , et préférable de lui substituer l’honnêteté intellectuelle. Cette dernière est une donnée fiable permettant de prévoir les comportements dans les situations difficiles ou celles dans lesquelles les personnes doivent opérer des choix et faire des arbitrages de valeurs.
Une personne intellectuellement honnête sera toujours plus loyale qu’une girouette toujours et seulement loyale au sens du vent.
A quoi mesure-t-on l’honnêteté intellectuelle ? Notamment la capacité à :
• Prendre position sans ambiguïté avec courage dans les situations difficiles ou risquées
• S’exprimer de façon claire et cohérente, quels que soient les interlocuteurs
• Privilégier la vérité sur les mensonges y compris par omission
• Être cohérant entre le discours et les actes
• Être fidèle à ses valeurs et principes lorsqu’ils sont difficiles ou pénibles à appliquer
• Reconnaître simplement ses torts et erreurs
• Dire « merci » et « je ne sais pas » quand il le faut
• Ne pas se donner aisément bonne conscience en relativisant des écarts
• Renoncer à la manipulation d’autrui et de soi
• Accepter de n’être pas apprécié par ceux qui préféreraient que l’on soit plus conciliant
• Se poser des questions plus que de cultiver des certitudes complaisantes
L’honnêteté intellectuelle rend « sage » « compréhensif » et « empathique ». Il est probable que ceux qui n’ont aucune de ces trois caractéristiques soient régulièrement déloyaux.
Placer sa confiance en celles et ceux qui sont intellectuellement honnêtes et oublier le critère loyauté a une vertu :
L’honnêteté intellectuelle est une garantie sur l’avenir alors que la loyauté n’est qu’un constat du passé.
Au contraire de l’honnêteté intellectuelle se trouve la duplicité, la capacité à cacher sa vraie nature et à jouer des rôles en fonction des circonstances, situations et interlocuteurs.
Les fourbes, les imposteurs, les tartuffes et autres bigots sont toujours apparemment loyaux, dans toutes les circonstances, et parlent à profusion de leur sincérité…
« Le scandale du monde est ce qui fait l'offense, et ce n'est pas pécher que pécher en silence » . (Tartuffe ou L'imposteur, IV, 5).
En management, le réalisme impose de choisir ses collaborateurs et personnes de confiance non pas sur leurs déclarations de principes, mais sur leur niveau d’honnêteté intellectuelle. C’est une valeur sûre, mettant à l’abri des « petits arrangements » , des consciences élastiques, des soudains revirements, mais aussi concrètement des distances avec la déontologie, l’éthique et les pratiques de harcèlement, de dénigrement.
Un dernier point, une personne intellectuellement honnête peut changer d’avis. Et cela lorsqu’elle est mieux / correctement informée par rapport à une position précédente.
L’Honnêteté intellectuelle ne réside pas dans la pérennité des avis / opinions, mais dans la capacité à leur remise en cause par la connaissance, le savoir et la science.
Une observation constante : Les personnes intellectuellement honnêtes sont les plus à même d’accepter et promouvoir des changements nécessaires quand bien même ils leur portent un préjudice à court terme.
“Le "savant qui ne sait pas" est une espèce impopulaire et peu crédible, l'honnêteté intellectuelle passant facilement pour de l'incompétence.”
Pierre Joliot
Bien cordialement,
Gérard-Dominique Carton
Quel est votre degré d’honnêteté intellectuelle ? Petit test...