Groupe Gérard Carton
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EFFORTS ET GAINS

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À Harvard en début d’année, un professeur propose à ses 300 élèves le problème suivant :

*Supposons que chacun d’entre vous soit employé par la même entreprise. Elle projette de créer un produit. Cela va demander à chacun de faire des efforts. Vous devez décider du niveau d’effort que vous allez faire en attribuant une note entre 1 (faible) et 7 (très fort). Votre gain ne dépendra pas de votre niveau d’effort personnel, mais sera le double de la moyenne des efforts déclarés. En clair, votre gain ne sera pas calculé sur votre niveau d’effort personnel, il le sera sur la moyenne des niveaux d’effort déclarés.

Quelle quantité d’effort allez-vous consacrer à la création de ce produit ?*

Après deux minutes de réflexion, chacun déclare son niveau d’effort et le remet au professeur pour qu’il calcule le résultat et la moyenne. Il fait cela en direct, ouvrant son ordinateur, créant une feuille Excel, avec projection sur écran.

Certains mettent « 7 », tout en pensant que la moyenne sera de « 5 » . Cela fait une perte d’effort de « 2 » , mais c’est raisonnable. Après que le professeur ait saisi une trentaine de notes, la moyenne est de « 2 » et cette moyenne est la note finale après qu’il ait saisi les quelque 300 notes.

Le professeur indique alors que chaque année la moyenne ressort à « 2 » . Son explication : Les gens n’ont pas confiance dans la capacité d’effort de la plupart des autres et ne sont pas prêts à faire des efforts en vain quand leurs gains dépendent de la moyenne et que leur effort personnel n’y change rien. Tout le monde aurait pu gagner beaucoup (si tout le monde met « 7 » , le gain est de 14, lorsque la moyenne est de « 2 » le gain est de « 4 » ).

La morale de cet exercice est que vous avez toujours intérêt à faire partie d’un groupe dans lequel la confiance en autrui est optimale en sachant que plus le groupe est grand moins cela a de chances statistiques de se produire. La performance des Entreprises dépend du niveau d’effort que leurs collaborateurs sont prêts à faire et font. Celles dans lesquelles la plupart des collaborateurs pensent que leurs efforts ne servent à rien ou bien qu’ils en font assez par rapport aux autres, périclitent ou végètent. Comment obtenir ces fameux efforts ?

Il y a trois règles de base.

1. Le goût de l’effort.

Il vient par capillarité des efforts démontrés par les dirigeants et le management de proximité. Il est alors ressenti une réelle fierté lorsque les efforts sont faits. C’est illustré par la phrase attribuée à Poutine « Je ne m’arrête pas lorsque je fatigue, je m’arrête quand j’ai fini. » Un peu excessif, mais il convient de lire le message au second degré. Le goût de l’effort est à la portée de tous. Il est évident chez les athlètes, des sportifs de haut niveau, des artistes, des écrivains, et pourtant régulièrement considéré comme inapproprié en milieu professionnel. « Ne pas en faire trop », « j’en fais bien assez pour ce que je suis payé ».

2. La confiance.

La confiance dans les dirigeants, le management et ses collègues est essentielle. En France, il est souvent constaté un niveau de confiance dans les dirigeants assez faible dans les Entreprises, heureusement compensé par un niveau de confiance assez fort au sein des petites équipes entre leurs membres. Il est toutefois observé que lorsque les collaborateurs ont confiance dans les dirigeants, la performance globale est meilleure que lorsque ce n’est pas le cas.

3. La reconnaissance des efforts.

Pour que les efforts perdurent, il faut les valider et les reconnaître en permanence. Dans le management à la Française, c’est assez rarement le cas, et l’on a plus tendance à reconnaître les résultats que les efforts faits pour les atteindre. C’est une erreur psychologique, constamment associée à la loi du rendement décroissant des efforts. (Plus un effort est répété, moins il est reconnu et valorisé, plus il y a de chances qu’il cesse.) Voir la brève du GCCG du 30/05/2107.

À l’analyse ces trois règles ne figurent que très rarement dans les objectifs des dirigeants et managers. La mesure de la productivité n’est pas la mesure des efforts ; la mesure des efforts est généralement subjective et intuitive, lorsqu’elle n’est pas tout simplement considérée comme inutile.

Quatre autres constats viennent alourdir le tableau.

1. L’effet Ringelmann. Les efforts des membres d’un groupe diminuent à la fois avec son effectif et l’ignorance des efforts individuels (mécanisme inconscient et involontaire de la paresse sociale).

2. L’effet Dunning-Kruger. s’applique à l’effort. Chacun a tendance à surestimer son effort par rapport à celui des autres, et moins les gens font d’effort plus ils ont tendance à trouver qu’ils en font plus que les autres.

3. Le biais d’égocentrisme. : Les gens ont tendance à surestimer leur contribution aux résultats positifs d’un groupe et corollairement sous-estimer la contribution des autres.

4. Les opinions sont plus fortes que les faits. Les opinions que les gens ont formées restent plus fortes que les faits qui viendraient les contredire. Pour les gens convaincus que la Terre est plate, la Terre est plate.

Les relations dans les groupes subissent régulièrement l’influence des jeux triangulaires, dans lesquels dès que trois pôles sont formés, les alliances se font par deux pôles contre un. Ceci stoppe la coopération, engendre la discorde et abaisse toujours la performance globale. Mais ce sera le sujet d’une prochaine lettre…

Un mot d’humour pour finir…

“Dieu et le diable représentent un effort louable de spécialisation dans la division du travail.”

Samuel Butler

Bon mois de septembre…

Gerard Carton