Publié dans La Lettre du GCCG - Connaissances utiles - Leadership - Stratégies managériales - Outils managériaux
Récemment, un interlocuteur me parlait d’un module de formation pour renforcer la cohésion d’équipe et libérer les énergies : apprendre à danser la salsa. Je me suis demandé s’il était possible de réfléchir en dansant la salsa…
Je ne le saurai jamais.
Le bon sens dit que réfléchir est la meilleure approche à envisager avant de procéder à une décision. Même une « petite » décision. Cela évite bien des erreurs.
Petit à petit le « droit à l’erreur » cède la place au « devoir d’essayer » … Belle formule ; le droit à l’erreur est un concept et un sentiment, le devoir d’essayer est une injonction.
On ne le dira jamais assez : l’action sans réflexion est une source infinie d’erreurs, pourtant, les stéréotypes négatifs sur la réflexion ont la vie belle. Elle serait le fait des lents, des indécis, des pusillanimes et des philosophes… Parce que la réflexion est assimilée à l’inaction, l’inactivité apparente est bannie au profit du mouvement, de l’action.
La bonne nouvelle :
Réfléchir est une action. C’est une action volontaire, qui demande de la concentration, et de la méthode.
Réfléchir peut se faire rapidement, selon le temps dont on dispose et se situe à l’inverse des « réponses réflexes » .
Méthode :
1. Être et rester calme : la capacité de réflexion est inversement proportionnelle au niveau de stress. En état de panique, il est impossible de réfléchir. En état de « peur » non plus.
2. Être et rester au calme : la capacité de réflexion augmente avec la quiétude de l’environnement. Plus il est bruyant, de nature à distraire l’attention, moins la réflexion est structurée.
3. Être et rester concentré : la capacité de concentration commence avec la capacité à éliminer les stimuli parasites, plus simplement dit, éliminer les distractions. Cela fait la différence entre réfléchir et laisser voguer ses pensées.
4. Visualiser / Matérialiser : Écrire des mots / phrases clés, formaliser l’objectif de la réflexion, l’énoncée de la question, du problème ou de la situation, si écrire vous gêne, réfléchir à voix haute, même si cela vous paraît étrange… Il est en outre démontré que réfléchir en marchant est souvent plus efficace que réfléchir « assis » .
5. Sortir du cadre : se forcer à envisager, créer, d’autres perspectives. Se poser la question « ai-je tous les éléments pertinents » , « what else ? » . Prendre de la hauteur, zoomer, prendre du recul, regarder « en face » ce qui pourrait déplaire…
6. Déduire : la déduction est l’art d’établir des liens logiques et des connexions entre des éléments à priori disparates, ce que l’on observe, ce que l’on sait.
7. Utiliser la bonne sémantique de réflexion : il y a deux sémantiques, la bonne et la mauvaise. La bonne consiste à faire des phrases courtes, sans négations, avec des interrogations spécifiques plutôt que génériques. Par exemple « en quoi cette situation est-elle pénible ? » est plus porteur de réflexion utile que « pourquoi cette situation est-elle pénible ? » ou, pire, « pourquoi cette situation n’est-elle pas agréable ? » .
Réfléchir ensemble / se concerter :
La réflexion en groupe ou binôme est peu pratiquée. Il s’agit de concertation. Le mot vient de l’italien : concertare, se mettre d’accord.
Elle a des prérequis :
• Relation neutre ou positive : Très difficile de réfléchir ouvertement avec des personnes en relation négative, tendue, agressive, méfiante.
• Entente sur l’objectif de la concertation : « tomber d’ accord » est un objectif plus propice à la négociation qu’à la concertation. « Rechercher / s’entendre sur la meilleure solution / décision » est plus pertinent.
• Transparence, pas d’agenda caché : La pire des pratiques de concertation est la « fausse concertation » . Si vous n’êtes pas capable de concertation, restez sur la ligne négociation ou influence. La fausse concertation s’appelle « manipulation » .
• Maturité : c’est la capacité à distinguer les faits des impressions, les émotions des sentiments, les idées des opinions, les connaissances des croyances.
• Fonctionnement en « curiosité » : À l’inverse du fonctionnement en « limites » , on envisage des hypothèses, y compris décalées, sans censure, autocensure, ou dénigrement.
Méthode :
• La concertation commence toujours sur des questions, jamais sur des arguments, même s’ils sont adroitement posés comme un descriptif de situation. Les questions sont « ouvertes » et n’appellent pas de réponse par oui ou non.
• La concertation est un état d’esprit avant d’être une technique. Elle nécessite de mettre les ego au repos. Souvenez-vous, lorsque les ego entrent dans une pièce, l’intelligence sort.
• La concertation englobe le passé, le présent et l’avenir. Elle a pour but d’accorder les représentations que chacun se fait de ces trois dimensions. Il convient d’avoir la discipline de les distinguer. On parle du passé, du présent et de l’avenir sans les opposer.
• La concertation est fondée l’écoute réciproque, et la compréhension du sens des phrases. Elle s’appuie sur la reformulation (assurer que l’on comprend bien), l’explicite (dire les choses simplement, directement et sans qu’autrui ait besoin d’interpréter au second degré), le tact (considération d’autrui).
• La concertation ne s’improvise pas, elle se prépare, tant sur la formulation de l’objectif que des questions à aborder et des informations à réunir.
• La concertation est aussi éloignée de la dialectique que la raison l’est de l’instinct.
• La concertation est un formidable outil de préparation des décisions, doit être positionnée comme tel, et être distinguée de l’utopie des décisions collectives.
Bien cordialement vôtre,
Gerard-Dominique Carton